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Le Capharnaüm Éclairé
21 septembre 2020

"Succession" de Patrick Cargnelutti

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L’histoire : Dans un pays imaginaire d'Afrique centrale, mercenaires, barbouzes, fonctionnaires occidentaux corrompus et chefs de guerre cupides s'en donnent à cœur joie, détruisant impitoyablement un pays et ses habitants. Les hommes droits, comme Egbéblé, chef de village qui veut venger sa fille, ou Pelletier, ingénieur agronome qui fourre son nez où il ne faut pas, ne sont que des pions sacrifiés sur l'autel du pouvoir et de l'argent. Même les exploiteurs et les comploteurs minables, manipulés par plus puissants qu'eux, ne sortiront pas indemnes du cœur des ténèbres, et le lecteur assiste, impuissant et révolté, au délitement de l'âme et du monde. Succession est le roman de la folie de l'homme et du pouvoir, de la corruption absolue, celle qui détruit les innocents et fait se déchirer les peuples.

La critique de Mr K : Plus noire que noire, cette lecture m’a littéralement ébranlé. Tout juste sorti chez Piranha, Succession de Patrick Cargnelutti est un roman furieux où se mêlent realpolitik, vicissitudes humaines, innocents sacrifiés au nom du pouvoir et de l'argent-roi, corruption et une France-Afrique terrifiante. Voici les maîtres mots de ce roman pas si éloigné de la réalité que je vous propose de découvrir aujourd’hui.

Le Kimbavu, pays imaginaire situé dans l’Afrique des Grands lacs est au centre de cette histoire tortueuse. Sous l’égide d’un despote manipulé par la France et les puissances d’argent, ce pays pauvre aux ressources boisées très intéressantes voit arriver sur son sol le représentant local d’une multinationale française qui n’hésite pas à utiliser tous les moyens pour parvenir à ses fins. Corruption bien sûr mais aussi milice paramilitaire sanguinaire sont à la manœuvre pour gagner des parts de marché, exploiter le filon et gagner toujours plus au nom du sacro-saint capitalisme libéral qui se fiche éperdument des droits de l’homme et de l’écologie. Justement, un grain de sable vient se glisser dans la machine, un grain de sable qu’il va falloir éliminer.

Ce maigre résumé ne peut que vous mettre sur la voie d’un ouvrage-somme d’une rare puissance et sans concession. Mêlant fiction et réalité avec un brio rare (on reconnaît des personnages politiques très connus légèrement renommés), on navigue constamment entre consternation et colère. Sous fond de main-mise de puissances financières sur nos institutions politiques, l’homme se livre ici à ses pires instincts, ceux qu’on aime cacher aux simples mortels que nous sommes et qui sont parfois révélés au grand jour dans des journaux libres comme le Canard enchainé, ma lecture de chevet. Patrick Cargnelutti se livre à un exercice aussi passionnant qu’atterrant qui ne peut laisser indifférent, à part si vous même appartenez à cette caste de personne que l’argent et l’ambition aveuglent.

Gare aux innocents qui s’opposent à l’avancée du progrès, à la marche du monde libéral, ils y perdront des plumes voire plus. Meurtres sur commande, manipulation de l’opinion, parrainage d’un candidat à l’élection présidentielle qui pourra servir au mieux les lobbys industriels... Tout cela ne vous rappelle rien ? On est en plein dedans, on ne verse pas ici dans la paranoïa ou la théorie du complot, on a plus affaire à une compilation de tout ce qui est mis en œuvre dans l'édification de ce nouveau monde qu’on nous vante tant. Collusions entre pouvoir politique, économique, lobbying industriel, destruction des services publics comme ultime quête pour asservir encore un peu plus les peuples, massacre d’innocents et esclavagisme déguisé sont au menu d’un roman coup de poing qui n’épargne personne et surtout pas ses personnages principaux.

Les âmes sensibles prendront chers ici, il n’est pas question de voiler les choses ou de les estomper. Il y a les actes violents bien sûr mais aussi toutes les manœuvres mises en place qui provoquent la nausée, la folie qui peut prendre possession d'un individu lambda que l’on brise pour le faire taire... L’ensemble est absolument terrifiant, remue les tripes et bien souvent, des images restent et hantent l’esprit du lecteur. Historien de formation, j’ai déjà côtoyé l’horreur à l’état pur lors de sessions sur les crimes contre l’humanité entre esclavage et Shoah, guerres de religions et colonisation. Mais là, ça se passe sous nos yeux, à notre époque. Même si les faits sont fictifs, ils sont basés sur des pratiques en cours qui n’ont rien à envier à certains groupes criminels ou terroristes, à la différence qu’ici les forces occultes ont accès à des ressources étatiques, médiatiques et des fonds quasi inépuisables. Et nous pauvres consommateurs imbéciles, nous participons à ce grand numéro de cirque mortifère qui met à genou les peuples et la planète.

Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir. Dans une langue virtuose et virevoltante, un sens de la narration hors norme, une pédagogie non feinte et une accessibilité de tous les instants, on vit véritablement cette lecture qui marque au fer rouge le lecteur prisonnier de ces pages. Succession est un grand, très grand roman noir que je ne peux que vous conseiller mais attention, ayez le cœur bien accroché ! Tel est le prix pour briser les mensonges et les apparences pour accéder à la vérité.

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Commentaires
E
j'ai deux autres romans africains qui m'attendent, j'avais déjà lu un assez dur sur les enfants soldats. Je crois que je vais passer mon chemin.. j'ai toujours besoin d'une petite lumière quelque part ...
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G
Quel bel article! Ce sujet m'intéresse énormément, mais en toute objectivité je ne crois pas avoir le cœur assez bien accroché pour me lancer dedans... Je retiens néanmoins le titre, peut-être que je réunirai le courage suffisant un de ces quatre!
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