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Le Capharnaüm Éclairé
5 mars 2020

"La Cité des rêves" de Wojciech Chmielarz

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L’histoire : Un des élégants quartiers en vase clos de Varsovie, un petit paradis sur terre dont rêvent tous les polonais se trouve brutalement plongé dans le drame : ce matin, au pied des immeubles modernes tout confort, le gardien a découvert le cadavre d’une étudiante en journalisme. Il suffit d’un instant pour que le paradis se transforme en enfer. Pour Mortka, chargé de l’enquête avec l’aide de la lieutenante Suchocka, le coupable semble d’abord tout désigné. Mais ce qui paraît simple va prendre à mesure des investigations la portée d’un vaste scandale. Ici, comme dans une Pologne en miniature, politique et mafia, sexe et drogue, ambitions et aspirations, secrets et rêves parfois meurtriers se rencontrent... Dans ce nouveau volet des aventures de l’inspecteur Mortka, Chmielarz s’attaque impitoyablement aux faiblesses humaines et jette un regard critique sur le monde fermé des domaines gardés, qui semblent n’avoir surgi de terre que pour chatouiller la vanité des propriétaires de SUV.

La critique de Mr K : Ceux qui nous suivent depuis une certain temps le savent, au Capharnaüm éclairé, Nelfe et moi aimons les personnages récurrents dans les romans policiers. Pour ma part, j’aime tout particulièrement suivre les aventures des inspecteurs Adamsberg et Rebus. Désormais, j’y rajouterai l’inspecteur Mortka, leur équivalent polonais qui revient en force avec La Cité des rêves de Woljciech Chmielarz dans un roman très prenant, une enquête remarquablement menée doublée d’un miroir sans concession sur les travers de la Pologne et de nos sociétés modernes.

Un cadavre est découvert dans une résidence protégée qui n'accueille que des membres de la nomenklatura de Varsovie, familles friquées qui aiment plus que tout au monde se côtoyer et éviter de croiser ceux qu’ils jugent comme indigents. La jeune fille était étudiante en journaliste et a été poignardée à deux reprises devant un des immeubles de haut standing qui composent le quartier. Personne n’a rien vu évidemment mais très vite, une coupable idéale vient avouer le crime. Cependant Mortka n’y croit pas, tout paraît trop simple et le témoignage sonne faux. En creusant des pistes en compagnie de La Sèche, son acolyte féminine qui n’a pas sa langue dans sa poche et ne retient pas sa rage, il commence à découvrir des choses pas très claires dans ce paradis pour riches où intérêts politiques, économiques jouxtent de très près le grand banditisme et des pratiques plus qu’illégales.

C’est avec un plaisir non dissimulé que j’ai retrouvé cet inspecteur si particulier. On retrouve la figure du flic blessé dans sa vie personnelle (divorcé) qui se donne à 100% dans ses enquêtes, épris d’un fort esprit de justice quitte à franchir la ligne blanche par moments. Il fréquente à nouveau la gente féminine en début de roman, ce qui lui redonne un certain équilibre par contre ses rapports sont toujours aussi froids avec son ancien coéquipier Kocha dont on a suivi les déboires avec l’alcool lors des opus précédents. Très humain dans ses faiblesses, Mortka hypnotise et séduit à la fois, on aime le suivre dans ses raisonnements, ses rencontres et parfois ses actes de bravoure. Il sait aussi bien s’entourer et utiliser les talents de chacun, cela donne une pléthore de seconds rôles pas piqués des vers qui se révèlent délectables à souhait: l’ex coéquipier évidemment qui se rachète une conduite dans ce volume en élucidant plusieurs affaires classées comme pénitence et surtout la Sèche, une flic bien barrée comme je les aime qui complète idéalement le duo qu’elle forme avec Mortka. Les ultimes ligne des l’ouvrage laissent d’ailleurs entendre qu’elle poursuit en parallèle une croisade qui sera sans doute au centre du prochain volume à sortir.

Dans cette enquête, on explore les arcanes des puissances occultes avec un big boss du banditisme qui fait froid dans le dos, un Parrain version polonaise qui n’a pas à rougir de la comparaison et emploie des méthodes plutôt expéditives. Ses hommes de main ne sont pas en reste et vous verrez des scènes parfois ubuesques avec des prises de conscience qui arrivent malheureusement un peu tard... À ce niveau, les politiques que l’on aperçoit dans l’ouvrage n’ont rien à leur envier, montrant un monde peuplé de requins assoiffés de pouvoir et d’argent. D’ailleurs en parallèle, on suit un groupe de jeunes loups prêts à tout pour réussir mais dont l’un deux (que j’ai détesté au départ pour son coté macroniste) va prendre une grosse claque suite à la disparition de son amie et révéler sa vraie nature (c’est le côté optimiste du livre, si si il existe !). L’enquête met en lumière la fracture énorme qui existe entre les différentes couches de la société, les riches et les pauvres, les natifs et les immigrés, les puissants et les exécutants, les hommes et les femmes. Très bien huilé en terme de scénario, l’enquête avance à son rythme sans faiblir, elle est aussi au cœur d’une réflexion plus vaste sur nos sociétés modernes, leur capacité à aliéner les plus faibles et à asseoir des rapports de dominés / dominants qui font froid dans le dos.

Une fois la lecture débutée, il est très difficile de relâcher ce livre qui se lit tout seul, sans difficulté. L’écriture est une merveille d’évocation tant dans les descriptions fines qu’elle propose et les phases plus actives qui donnent à voir de nombreuses scènes enlevées, à la manière d’un bon polar hollywoodien. La Pologne est bien plus chaude qu’on ne le croit en tout cas avec son lot de crimes, de trafics en tout genre, de magouilles et d’entraves faites à la justice. La Cité des rêves est un vrai bonheur de lecture pour tout amateur de page turner malin et bien conduit. Vous savez ce qu’il vous reste à faire !

Déjà lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- La Ferme aux poupées
- La Colombienne

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