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Le Capharnaüm Éclairé
22 février 2020

"L'Invention d'Adelaïde Fouchon" de Natacha Diem

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L’histoire : Adélaïde, petite fille spéciale vit dans une famille vraiment pas comme les autres.

Elle a comme tout le monde ou à peu près une mère un grand frère et des grands-parents. Mais tout le monde n'a pas une chatte nommée Rapoustine et un hamster baptisé Éluard... ni deux papas. Pour se sentir "normale" elle va s'épuiser pendant toute son enfance à courir partout et à tenir le devant de la scène... Adélaïde adulte choisit de rester en retrait derrière son homme leurs enfants et son chat...

Lorsqu'elle reçoit un coup de fil de Bruxelles lui annonçant la mort de son père sa vie ou la perception qu'elle en a se disloque et les souvenirs surgissent et se bousculent : Adélaïde s'emporte !

La critique de Mr K : Je vais vous parler aujourd’hui d’un livre très original qui m’a littéralement happé durant deux jours. L’Invention d’Adelaïde Fouchon de Natacha Diem est un premier roman, ce qui le rend encore plus impressionnant. Aussi rafraîchissant que mélancolique, il nous propose un personnage principal hors du commun (de ceux dont on se souvient longtemps après sa lecture) et présente une écriture qui mélange à la fois sensibilité et urgence. Oui, on peut le dire, je suis tombé amoureux d’Adelaïde Fouchon !

L’ouvrage s’apparente à un roman d’apprentissage autour de l’amour : celui que l’on cherche, celui que l’on doit reconnaître mais aussi l’amour que l’on doit se porter à soi-même ce qui est loin d’être évident parfois. Ce court roman de 205 pages nous propose de découvrir Adelaïde, une mère de famille à priori comblée qui vient de perdre un de ses pères. En effet, elle a vécu dans une cellule familiale un peu particulière qui ne plairait sans doute pas aux tenants de l’ordre moral réac. Cette perte est un électrochoc pour la jeune femme qui partage avec nous et redécouvre les souvenirs de son passé tumultueux et les réflexions qui l’assaillent suite à cette disparition.

On alterne donc, un chapitre sur deux, le point de vue de l’enfant et celui de l’adulte qu’elle est devenue. Le procédé est bougrement intéressant et bien pensé, on pénètre vraiment dans la vie d’Adelaïde qui vous l’avez compris a du mal à se connaître elle-même. Enfant exubérante qui veut sans cesse être au centre de l’attention, elle semble être devenue une adulte effacée derrière sa famille. Par une série d’allers-retours, d’anecdotes bien senties, de questionnements intérieurs et de bouleversements que seule la vie réserve, on rentre dans une psyché complexe entre rires et larmes. On sourit beaucoup en effet devant les frasques de cette gamine survoltée qui n’a pas la langue dans sa poche. Vivant avec sa maman et deux papas, elle doit s’agiter pour exister et se construire dans un monde composé d’adultes autocentrés qui connaissent leurs propres soucis. Seulement voila, les repères changent, chacun fait sa route et pour ne pas trop souffrir, la petite va occulter certains souvenirs. Le décès du père va faire ressurgir des choses enfouies et la faire réagir. Elle doit affronter ses peurs, sa culpabilité aussi. Cela ne se fera pas sans heurts et sans remises en question.

On aime instantanément Adelaïde. On aime sa sensibilité à fleur de peau, sa volonté d’en découdre avec la vie, avec les autres. Elle force le respect et c’est un sacré petit bout de femme qu’on nous présente là. Très vite cependant, une certaine mélancolie s’installe. Malgré des saillies surprenantes, un enthousiasme et une volonté de mordre la vie à pleine dent, la vie est cruelle et se construit parfois avec des désillusions qui font mal et tirent un individu vers le bas. Le ton change au fil du livre, la jeune femme repense avec tristesse à ce qu’elle a perdu et pense même à revenir en arrière quitte à sacrifier ceux qu’elle a connu. Très intimiste dans son approche, le récit explore la moindre parcelle de cette âme abîmée, ses espérances, sa sexualité, son rapport aux autres. Volontiers ambigu parfois, le personnage devient rugueux et bien mystérieux. Rarement, j’ai pu lire un portrait de femme aussi déchirant et émouvant.

Et puis, il y a cette écriture si particulière qui conjugue finesse des mots avec urgence et crudité. On prend les phrases parfois comme autant de coups assénés avec force et passion. C’est bien simple, l’auteure nous transmet instantanément toutes les pensées et perceptions d’Adelaïde avec une fraîcheur et une justesse qui fait du bien même dans les moments les plus sombres que traverse l’héroïne. Cette lecture fut donc une sacrée bonne surprise procurant un plaisir de lire assez exceptionnel. Je ne peux que vous conseiller de tenter l’expérience à votre tour !

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Commentaires
N
Et allez, encore une nouvelle lecture dans la liste d’envies ! J’aime bien les constructions alternées dans les récits.
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