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Le Capharnaüm Éclairé
27 janvier 2020

"Sang chaud" de Kim Un-Su

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L’histoire : Huisu, homme de main pour la mafia de Busan, atteint la quarantaine avec pas mal de questions. Jusque-là, il n'a vécu que pour les coups tordus, la prison, les exécutions, tout ça pour se retrouver dans une chambre minable, seul, avec pour horizon des nuits passées à dilapider son argent au casino. il est temps de prendre certaines résolutions... avec un solide couteau de cuisine dans son poing serré.

La critique de Mr K : Vous aimez les polar bien noirs, servis bien frappés ? Ce roman est fait pour vous ! Sang chaud de Kim Un-Su est le premier ouvrage édité par la toute nouvelle maison d’édition Matin Calme, une équipe passionnée par l’Asie et tout particulièrement par la Corée du sud, un pays qui depuis quelques temps marque de son empreinte le paysage culturel (je pense notamment à la Palme d’or 2019 Parasite et surtout à Old Boy un de mes films culte). Les écrivains coréens percent encore peu en occident même si j’ai eu l’occasion d’en découvrir quelques-uns en lisant des ouvrages des éditions Picquier. Matin Calme propose, avec ce titre et ceux qui vont suivre dans le courant de l’année, d’explorer la face sombre entre polar et thriller d’un pays pas comme les autres et que je trouve pour ma part très attirant par le côté jusqu’au-boutiste des œuvres qu’il peut livrer. Ce n’est pas cet ouvrage qui me démentira...

On suit le parcours de Huisu, le bras droit d’un parrain de la mafia de la ville de Busan, la deuxième agglomération du pays. D’un naturel calme et pondéré, il gère l’hôtel de son patron, s'occupe des affaires de ce dernier, participe à quelques opérations à haut risque et se place en première ligne lors de négociations tendues. Depuis quelques temps, il se pose pas mal de questions existentielles. A quarante ans, sa vie ne lui convient plus vraiment. Sans réel domicile fixe, célibataire, il se sent non reconnu par son boss et songe clairement à mettre les voiles vers d’autres horizons avec en filigrane le rêve fou de se poser et peut-être de renouer avec son amour de jeunesse. Mais qu’il est dur de s’extirper du milieu surtout quand les événements se précipitent avec des tensions nouvelles qui apparaissent, une compétition de plus en plus rude entre caïds, une guerre de territoire qui n’en finit jamais et va faire voler en éclat les anciennes alliances et les amitiés.

Sang chaud propose une immersion totale dans le milieu du grand banditisme coréen. Véritable opéra en deux actes, ce récit nous conte une histoire certes classique mais qui surprendra tout de même les amateurs du genre par un ton et un univers géographique qui sort des sentiers battus. On retrouve la figure tutélaire des chefs que l’on doit respecter malgré leur intransigeance et leurs trahisons opportunistes, les seconds couteaux avides de pouvoir et d’argent, la main mise des criminels sur les populations et les institutions ainsi que la fulgurance de certaines opérations d’intimidation voir de conquête. On navigue constamment entre calme apparent, pas feutrés et explosions de violences intenses et brèves marquées du sceau coréen (l’arme blanche étant privilégiée, les meurtres se révèlent très graphiques et sanglants, miam !). Très cinématographique dans son écriture, ce roman emporte son lecteur par sa trame qui tantôt s’emballe et tantôt ralentit proposant de purs moments de plaisirs.

J’ai été totalement emballé dès les premiers chapitres. Kim Un-Su nous propose une brochette de personnages plus charismatiques les uns que les autres. Huisu est un modèle d’antihéros qui au fil du récit semble avoir un espace de liberté de plus en plus réduit malgré l’impression de force, de sérénité qu’il dégage et sur lequel de sourdes menaces s’accumulent. Bien malin sera celui qui réussira à deviner son sort final. Mais mon Dieu quelle tension accumulée ! La moindre scène devient dérangeante et pesante tant tout peut arriver à n’importe quel moment. À ce propos, ne vous attachez pas trop aux personnages, le casting a tendance à se faire trucider au fil des pages ! On croise nombre de personnalités étranges, déviantes et totalement perchées : un jeune malfrat totalement fou et capable du pire, un vieux tueur à gage amateur de barbecue (écrit pour moi celui là !), un ami d’enfance passé dans le camp ennemi dont il faut se méfier, des vieux de la vieille débonnaires dont l’apparence pourrait bien être trompeuse, une prostituée rangée des affaires qui tente de survivre dans la jungle phallocrate qui l’entoure... et une pléthore de seconds rôles qui donnent à voir un microcosme des plus inquiétants où parfois une étincelle d’espoir ou de bonheur scintille au milieu de la nuit. C’est toujours fugace mais cela permet de relâcher la pression un temps...

Remarquablement écrit dans un style direct, incisif avec de beaux passages contemplatifs mettant à nu le cœur et les aspirations humaines, on prend uppercuts sur uppercuts lors de la lecture avec une histoire peuplée d’âmes damnées en quête d’amour, de reconnaissance et de toujours plus de pouvoir. C’est puissant, bouleversant parfois et surtout totalement addictif. Les 480 pages de l’ouvrage se lisent d‘une traite avec un plaisir de tous les instants. Les amateurs ne doivent surtout pas passer à côté, dans le genre c’est brillant. On en redemande !

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