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Le Capharnaüm Éclairé
26 juin 2019

"Le Potache est servi" de Jean-Louis Bailly

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L’histoire : Clément, prof débutant et chahuté, décide brusquement d’enlever et séquestrer l’un de ses élèves. Pour se venger de ses déboires avec la redoutable 3e F, il va martyriser le plus doux, le moins grossier de ses potaches, pris comme bouc émissaire.

La critique de Mr K Lecture jubilatoire au programme aujourd’hui avec Le Potache est servi de Jean-Louis Bailly, un roman à la quatrième de couverture qui décoiffe et qui tient toutes ses promesses. Personnages taillés au cordeau, style incisif et très littéraire à la fois, analyse fine et contrastée des affres égotiques des personnages sont au programme d’un livre dont je n’ai fait qu’une bouchée ! Suivez le guide...

Clément est devenu professeur de lettres en collège à la manière d’un idéaliste. Amoureux des mots et des livres, il compte uniquement sur sa soif de partage et sa bibliophilie pour pouvoir mater ses classes et devenir bon pédagogue. Mais voila, la 3ème F lui résiste et le bordélise au-delà du possible. Comme tout professeur qui se respecte, il rentre dans une phase de parano, se remet en question et finit par commettre l’inconcevable : enlever le plus agréable de ses élèves (Tony) pour le séquestrer et par là même se venger de ce qu’il subit en classe avec ses camarades ! Commence alors un drôle de jeu entre le bourreau et sa victime avec des conséquences inattendues...

Ce roman est avant tout une belle galerie de personnalités avec des personnages aussi ciselés que passionnants. Jean-Louis Bailly croque à merveille ce jeune professeur en pleine détresse qui n’arrive pas à trouver de solution pour sortir de l’ornière. Humilié, incapable de tenir son groupe d’élèves, engoncé dans des certitudes qui s’avèrent être de fausses solutions, il vit un calvaire et égraine les jours comme autant de comptes à rebours avant l’échafaud. Rien ne nous est épargné, l’auteur nous conviant à pénétrer dans sa psyché, en partageant ses doutes, ses peurs mais aussi ses moments de soulagements. Il force sa nature sympathique pour se transformer en kidnappeur qui va tourmenter le jeune Tony : insultes, coups et lecture sont au programme, le tortionnaire ménageant une alternance de menace et de douceur qui soufflent le chaud et le froid auprès de Tony.

Étonnamment la victime s’en accommode. Il faut dire qu’à la maison le père a la main leste, il est habitué. Là où le trouble devient certain, c’est que le jeune garçon prend goût à la lecture, gagne en maturité et finit même par se rapprocher de son ravisseur. Trajectoire déviante mais décrite avec justesse et sensibilité, on se demande bien où tout cela va aboutir : libération ? Fin plus funeste ? Le doute est permis, tant on navigue en chemins obscures. Très bien rendus, les passages où les deux protagonistes sont en présence réservent leur lot de surprises, multipliant les pistes et les possibilités. Relation unique, oscillant entre drame et complicité, j’ai aimé ce côté borderline qui ne tombe pour autant jamais dans la facilité ou le voyeurisme malsain. L’atmosphère est lourde, opaque et donne pas mal d’émotions contradictoires au lecteur prisonnier de ces pages. Au milieu de ce drame qui se joue, j’ai aussi beaucoup apprécié les passages traitant de la lecture, de ses apports et de la joie qu’elle procure notamment quand on en partage les impressions.

Au détour de réflexions de Clément, de ses rencontres et échanges avec ses collègues, l’auteur dresse un bon portrait du monde enseignant sans jamais tomber dans le too much ou la caricature. On sent qu’il connaît le milieu et est capable de rendre compte de nos états âmes et de nos préoccupations. Rapport de force entre profs et élèves, philosophie du pédagogue, la queue à la photocopieuse, les chefs doigt-sur-la-couture qui impose des directives idiotes sont autant d’éléments bien rendus tirant vers un réalisme bon crin dans ce roman bien noir. Subtilement écrit malgré quelques passages un peu pompeux, les pages se tournent toutes seules et l’on arrive à la fin sans vraiment s’en rendre compte. Une bonne lecture comme je les aime qui ravira les amateurs de roman noir et de fiction mettant en scène le monde de l’éducation... même si ici c’est assez thrash !

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Commentaires
B
Merci d'avoir lu ce roman - écrit il y a bien longtemps à partir de mes cauchemars et non de mon expérience, car j'ai été un professeur heureux ! Sans en avoir fait aucunement une spécialité, j'ai écrit un autre roman qui a pour personnage un professeur : "Un divertissement" (Louise Bottu éditeur), sans doute peu commode à trouver, hélas.... Merci encore d'avoir lu celui-là !<br /> <br /> <br /> <br /> Jean-Louis Bailly
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