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Le Capharnaüm Éclairé
28 mai 2019

"Les Habits du plongeur abandonnés sur le rivage" de Vendela Vida

L’histoire : Comment prouver qui on est lorsqu’on se retrouve seul à l’étranger et qu’on se fait voler tous ses effets personnels ? C’est le cauchemar auquel est confrontée l’héroïne du nouveau roman de Vendela Vida, en voyage à Casablanca. Endossant d’abord, faute de mieux, l’identité d’une autre Américaine dont la police marocaine lui a rendu par erreur le passeport, elle est embauchée pour remplacer au pied levé la doublure d’une actrice en tournage dans son hôtel. Affublée d’une perruque et d’un nouveau nom, la jeune femme se voit alors embarquer dans un étrange et vertigineux voyage intérieur qui l’amène à se replonger dans les circonstances douloureuses de son départ des Etats-Unis...

 

La critique de Mr K : Retour en Terres d’Amérique aujourd’hui avec Les Habits du plongeur abandonnés sur le rivage de Vendela Vida, jeune auteure très prometteuse venue de Californie. Cette collection de chez Albin Michel que j’aime tellement propose cette fois ci un récit ne se déroulant pas sur le sol US mais au Maroc avec la trajectoire étrange que prend la vie d’une jeune femme partie dans ce pays pour fuir une vie devenue insoutenable. Attention, beaucoup de turbulences sont à prévoir !

 

En effet, dès son arrivée sur le sol marocain, au moment de faire son enregistrement à l’hôtel de Casablanca où elle a décidé de poser ses valises, elle se fait voler son sac à dos où se trouvent tous ses papiers (dont son passeport), ses moyens de paiements et son guide touristique. On peut dire que ça commence très mal, la pauvre se retrouvant uniquement avec son autre bagage où sont rangées ses vêtements. C’est mieux que rien me direz-vous, mais les vacances s’annoncent difficiles surtout que l’hôtel, puis la police locale, ne semblent pas se motiver plus que cela pour l’aider à retrouver ses effets personnels. Au final, les forces de l’ordre lui remettent un autre sac avec le passeport d’une américaine qu’elle ne connaît pas. Elle s’enferre alors dans l'illusion et va commencer à glisser dans l’irrationnel. Se complaisant dans son mensonge, ne voulant pas retourner en arrière car quelque part cette nouvelle identité l’arrange, ses vacances prennent un tournant inattendu avec notamment son engagement sur le tournage d’un film où elle tient le rôle de doublure officielle d’une star américaine capricieuse. La fuite en avant continue...

 

La grande originalité de ce roman vient du point de vue adopté par l’écrivain. Vendela Vida tutoie directement le lecteur qui se retrouve dans la peau de l’héroïne dont on ne connaîtra jamais le vrai nom. Le procédé est tellement bien utilisé qu’il n’y a vraiment aucun effort à faire pour s’adapter à cette narration qui pourrait dérouter de prime abord. Mais les pages s’enchaînent toutes seules, l’addiction étant quasi immédiate. Il faut dire qu’elle intrigue cette infortunée américaine ! Pourquoi est-elle venu au Maroc ? Au détour d’une phrase ou deux, on sent bien qu’elle a quelque chose de pesant sur le cœur, que sa vie a explosé en plein vol et que ce voyage est avant tout une manière d’essayer de recommencer quelque chose, de sortir du trou, d’échapper à sa souffrance. Les indices sont plutôt rares dans un premier temps, l’histoire se concentrant plutôt sur sa mésaventure et ses conséquences premières. Puis, des indices commencent à être disséminés, apportant quelques focus, points de détails qui mis en corrélation dressent bientôt le portrait d’une femme que la vie n’a pas épargnée mais qui tente de tenir la barre malgré tout.

 

Très attachante, touchante dans sa douleur, on prend fait et cause pour cette américaine en pleine errance. Beau roman sur l’identité, à priori un sujet de prédilection pour cette auteure que je découvre avec ce titre, on se pose pas mal de question sur ce qui fait de nous ce que nous sommes : la famille, les amis, les rencontres fortuites, les données administratives, notre métier, les coups du sort... Tout se mélange allégrement dans ce roman qui s’amuse avec son héroïne comme avec les concepts qu’il aborde. À travers les atermoiements de cette touriste un peu paumée, ses états d’âmes, ses réactions parfois étranges (souvent en fait !), on explore sans fard un être humain en pleine mue, le nécessaire changement qui doit s’opérer en nous après un choc intime d’une rare violence. Le récit prend donc une dimension initiatique et ouvre la voie à une fin plutôt ouverte que chacun interprétera avec sa propre sensibilité.

 

Il y a aussi le background, les éléments extérieurs qui accompagnent ce parcours qui fascinent. Le Maroc tout d’abord, un pays où je suis allé à plusieurs reprises et qui est très bien retranscrit dans ces pages. Un pays ambivalent où se côtoient tourisme de masse et traditions pluriséculaires, Maroc où notre héroïne oscille entre découverte émerveillée et moments plus tendus. Le milieu du cinéma est aussi abordé avec les coulisses d’un tournage qui réservent bien des surprises et des logiques qui parfois nous échappent. Le décalage est grand entre ce qu’elle y vit en tant que doublure, son travail, ses rencontres et son passé qu’elle traîne comme un boulet. L’interaction comme vous le lirez est détonante et finira par livrer des vérités qui font l’effet d’un électrochoc.

 

Difficile d’en dire plus sans spoiler, je m’arrêterai donc là. Sachez aussi que Les Habits du plongeur abandonnés sur le rivage se lit très facilement, quasiment d’une seule traite (prévoyez trois / quatre heures tranquille) tant on est emporté par l’histoire qui sous son aspect simple soulève nombre de questions et bouleverse son lecteur.

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Commentaires
E
pas du tout entendu parler de cette auteure ou de ce roman, mais c'est rare de voir un Américain placer son histoire hors des USA
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