Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Capharnaüm Éclairé
7 avril 2019

"Ma vie avec John F. Donovan" de Xavier Dolan

ma vie avec John f donovan afficheL'histoire : Dix ans après la mort d’une vedette de la télévision américaine, un jeune acteur se remémore la correspondance jadis entretenue avec cet homme, de même que l’impact que ces lettres ont eu sur leurs vies respectives.

La critique Nelfesque : Xavier Dolan est un réalisateur que j'aime beaucoup. Son précédent film, "Juste la fin du monde", est un chef-d'oeuvre qui m'avait littéralement bouleversée. Je me suis dirigée vers le cinéma, vierge de toute critique et en ayant vu à peine la bande annonce. Il y a des artistes auxquels je fais une confiance aveugle, pour lesquels je veux découvrir les oeuvres le jour J et me fermer à toute sollicitation extérieure. Ce fut le cas ici pour "Ma vie avec John F. Donovan". Vu à sa sortie, on a mis du temps à venir vous en parler (c'est ma faute) mais il me semble qu'il est encore à l'affiche...

On retrouve ici les obsessions de Dolan et les procédés qui le caractérisent. Côté obsession, la famille bien évidemment, omniprésente dans quasiment tous ses films, les problèmes en son sein surtout et le rapport à la mère, personnage central, à la fois fort et fragile. Côté "marque de fabrique", indubitablement, il y a les plans reserrés à l'extrême sur les visages des acteurs, les vues aériennes et la musique.

ma vie avec John f donovan 4

Pour ce film là, je suis assez mitigée. Je navigue entre l'adoration pour certains aspects du film (l'intimité que l'on peut toucher du doigt, la sensibilité à fleur de peau et le feu couvant sous la glace dans certaines scènes) mais d'autres m'ont complètement perdue. J'ai été hypnotisée par l'histoire principale, celle de la vie de John F. Donovan, ses peurs, ses doutes, ses névroses, son identité, et la relation épistolaire qu'il entretient avec le jeune Rupert Turner, lui aussi tellement touchant. Mais toute la partie actuelle, avec Rupert Turner adulte racontant son histoire à la journaliste incarnée par Thandie Newton m'a perdue en route. Il y avait là un tel décalage émotionnel et un ton mi-hautain mi-complice qui m'a paru tellement faux que j'ai été plus gênée par ces aller-retours entre passé et présent que véritablement séduite.

En revanche, les séquences mettant en scène John et le jeune Rupert tiennent le spectateur constamment sur la corde raide tant la tension est palpable. Tout peut basculer psychologiquement à n'importe quel moment. Kit Harington est troublant de réalisme, lui l'acteur incompris ne laissant voir que ce que la société veut qu'il soit et étouffant ses envies, son être, sa sensibilité. On ne peut qu'être touché par cet homme que l'on sent peu à peu sombrer. Natalie Portman, en maman de Rupert, est aussi tellement juste. Elle, l'artiste ratée qui voit en son fils sa bouffée d'oxygène, ses peurs et sa continuité. Quelle actrice ! A l'image de Susan Sarandon que l'on voit très peu dans le film mais qui à chaque apparition transperce le coeur et la toile. On ne peut pas ne pas voir en ce personnage, celui de la mère dans "Juste la fin du monde". Incontestablement, les mères se ressemblent dans les oeuvres de Xavier Dolan et on pourrait le lui reprocher. Personnellement, elles font naître en moi tant de sentiments ambivalents, me faisant m'interroger sur ce rapport mère / fils si particulier et fragile, que je pourrai en voir 100 sans pour autant être lassée.

ma vie avec John f donovan 2

Toutefois, "Ma vie avec John F. Donovan" est un long métrage à part dans la filmographie de Dolan. C'est son premier film "américain" et cela se ressent dans la façon d'amener les choses. Nous sommes ici plus spectateur que porté par la force d'une histoire ou d'une situation, comme cela a pu être le cas avec d'autres films de ce réalisateur. J'ai été quelque peu déçue par cette approche que je trouve plus détachée et s'éloignant du propos. Certains y trouveront là peut-être quelques bouffées d'air salvatrices, de mon côté, j'ai l'impression que l'on y perd en intensité. Reste une très belle ode à la différence et à l'acceptation de soi.

La critique de Mr K : 5/6. On peut dire qu’on l’attendait celui-ci, marqués que nous avons été par Juste la fin du monde et Mommy. L’enfant prodige québecois revient avec son premier film en langue anglaise avec cette histoire de correspondance entre un jeune garçon de onze ans et une star naissante du cinéma américain. Devenu grand, à l’occasion de la sortie d’un livre consacré à son idole, il revient sur cette période de son passé lors d’une interview qu’il donne à une journaliste au départ peu intéressée (sublime Thandie Newton).

ma vie avec John f donovan 3

Quasiment construit autour de flashbacks, le réalisateur nous propose de suivre ces deux personnes qui n’étaient pas faites pour se rencontrer au départ. Rupert veut devenir acteur et est fan d’une série TV où joue le fameux John F. Donnovan. Il lui écrit et contre toute attente, ce dernier lui répond. Cela durera quelques années sans que personne ne le sache. On suit donc alternativement les souvenirs de Rupert avec ses difficultés d’adaptation, lui le surdoué, à la sensibilité exacerbé. Et puis, il y a John qui surfe sur le succès mais cache à tout le monde son orientation sexuelle. Ses deux personnages se font écho et l’on sent bien que la vie de l’un va définitivement agir sur celle de l’autre, notamment permettre indirectement au jeune garçon de ne pas faire les mêmes erreurs.

On alterne ici beaucoup de sentiments. La tonalité générale est plutôt dramatique, les épisodes successifs nous livrent des âmes à nu qui n’ont pas, chacun à leur manière, la vie facile. La famille, l’école, le travail, les relations amoureuses sont autant de cercles où il faut savoir progresser consciencieusement, en faisant attention à ne pas se perdre. C’est ce qu’il va finalement arriver à John, âme esseulée qui n’arrive pas à assumer son identité alors que Rupert a encore toute la vie devant lui et des rêves plein la tête. Dans le domaine, on connaît le talent brut de Dolan pour nous livrer des personnages complexes et torturés, c’est encore le cas ici. Le casting sert d’ailleurs remarquablement le projet avec notamment un Kit Harington qui m’a bluffé (loin de la mono expression de son personnage dans Game of Thrones), un gamin au jeu bouleversant (on y va de sa larmichette à certains moments) et des seconds rôles savoureux avec Sarandon en mère névrosée (un classique chez Nolan), une Natalie Portman touchante et loin des rôles qu’on lui connaît et une Kathy Bates toujours aussi impressionnante. On joue sur du velours.

ma vie avec John f donovan 1

La technique est une fois de plus irréprochable avec une œuvre belle, envoûtante, intelligente, construite comme un gigantesque puzzle qui fait appel à des émotions profondément enfouies. Là où le film montre des limites, c’est qu’on est en terrain connu. Le réalisateur se renouvelle peu, retranscrit des thématiques déjà abordées et des scènes déjà tournées. Ça manque finalement d’originalité quand on connaît déjà l’œuvre de Dolan. Mais cela reste tout de même un très bon film avec un souffle imposant et des destins que l’on aime suivre sans que le temps soit perceptible. Un film à voir et à méditer.

Publicité
Publicité
Commentaires
E
j'aime beaucoup son oeuvre, j'ai hésité à aller le voir j'ai lu des critiques et je retrouve les mêmes appréhensions (ou constats) chez vous : les mêmes thèmes, un décalage entre la partie actuelle et le passé .. du coup, je pense le voir mais pas forcément au cinéma
Répondre
P
Le film n’est pas encore à l’affiche au Québec et je sais que les critiques sont partagées, mais je ne manquerai pas ce film à sa sortie, j’aime beaucoup l’oeuvre de Dolan en général.
Répondre
F
Je l'ai vu et vraiment bcp aimé ! Je suis assez d'accord avec ton analyse Nelfe à savoir que la partie actuelle est moins intense que celle du passé mais ça ne m'a pas gênée, j'ai été emportée.
Répondre
Publicité
Suivez-moi
Archives
Publicité