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Le Capharnaüm Éclairé
24 mars 2019

"La Fièvre" de Sandor Jaszberényi

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L'histoire : Entre chroniques de presse et fiction, voici le recueil d’un photographe et correspondant de guerre hongrois qui a couvert la plupart des luttes armées et révolutions en Afrique et au Moyen-Orient. Des instantanés d’un monde rongé par les conflits, où l’homme affronte la violence, où la foi côtoie la superstition, où le diable règne en maître. Ici, des villages organisent une battue contre une bête sanguinaire qui semble indestructible. Là, une jeune photoreporter est prête à tout pour obtenir l’image choc…

La critique de Mr K : Aujourd'hui, je vous invite à découvrir en ma compagnie un recueil de nouvelles paru très récemment aux Éditions Miroboles. La Fièvre de Sandor Jaszberényi est le genre d'ouvrage qui marque les esprits par ses thématiques et sa forme. Par de courts textes très souvent saisissants, cet écrivain reporter nous propose de nous confronter à l'humain dans sa version la plus déplaisante. Éprouvant et rude, cette lecture n'en est pas moins éclairante et finalement très agréable même si l'homme ne ressort pas vraiment grandi de cette entreprise...

L'auteur a débuté en étudiant la littérature, la philosophie et l'arabe. Il est alors devenu grand reporter et a beaucoup voyagé notamment en Afrique orientale et au Moyen Orient. Il a ainsi couvert de nombreux événements comme les révolutions arabes, le conflit israëlo-palestinien (notamment les heurts à la frontière de Gaza) ou encore le drame humanitaire du Darfour (un génocide toujours en cours dans l'indifférence la plus totale...). Ce recueil rassemble des instantanés de son expérience entre témoignages, récits réalistes et quelques pièces plus romancées. Constitué de très courts récits n'excédant jamais la vingtaine de pages, Jaszberényi nous confronte à des réalités trop souvent ignorées, à des destins brisés et à ses propres expériences qu'il cumule depuis longtemps, peut-être trop longtemps serait-on en droit de se dire...

Ainsi, d'un texte à l'autre, on passe d'un pays à un autre, d'une crise à une autre avec des écrits fulgurants qui emportent l'adhésion du lecteur malgré parfois la dureté des situations. Il nous raconte ainsi une crise de fièvre aiguë qu'il a vécu lors de ses premiers déplacements, sa première exécution publique qui va le chambouler, la vie à l'hôtel entre deux missions et comment on essaie de se laver de la tête des horreurs qu'on a pu vivre. D'autres récits, nous parle de foi et de superstition avec cette culture orientale si lointaine de nos codes occidentaux et qui nous interpelle (la place des femmes, la notion d'honneur, de martyr...). Certaines nouvelles nous parlent du métier de journaliste ou encore des causes humanitaires à travers des récits d'expériences parfois fugaces mais qui sont révélatrices des tensions en jeu. Enfin, d'autres histoires s'apparentent davantage à des récits initiatiques, l'auteur partant à la découverte de l'autre et même de lui-même (magnifique dernière nouvelle).

Je reste volontairement vague sur les histoires en elles-même pour ne pas déflorer un contenu riche et puissant. Il est beaucoup question de souffrance dans ce recueil, la lecture est donc aride et l'on se surprend à s'arrêter entre deux nouvelles pour reprendre son souffle, réfléchir à ce que l'on vient de lire. En fond général, on retrouve la notion de pouvoir despotique, de guerres claniques et de manipulation des masses. Révolutions, guerres civiles, extrémismes religieux, cloisonnements sociétaux et autres déstabilisations se suivent provoquant le malheur des uns et enrichissant d'autres. Au final, comme un serpent qui se mord la queue, ces régions du monde semblent tourner en rond et leur sort reste figé. Cela n'est pas exprimé directement mais on ne peut douter du background avec quelques références à peine voilée sur la responsabilités connexes des occidentaux (corruption, vente d'arme, yeux détournés face à certaines horreurs). Les destins individuels qui nous sont présentés sont autant de miroir de l'incurie humaine avec son lot de suppliciés et de victimes innocentes sacrifiées au nom d'intérêts partisans.

La Fièvre est un recueil détonant, au ton différent, très accessible qui ravira les amateurs de sensations fortes et de récits fondés sur l'actualité du monde. C'est l'occasion aussi de découvrir un reporter de guerre qui au détour de quelques lignes ou à travers certains textes se livre et donne à voir la dureté du métier avec son lot de sacrifices, de renoncements et de conséquences psychologiques. Un ouvrage à découvrir absolument.

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Commentaires
E
étrange livre mais qui du coup m'intéresse vivement ! merci pour le billet - heureusement que les blogueurs sont là pour défendre les livres !
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C
Bon, je ne sais pas si je suis ce qu'on peut appeler "un amateur de sensations fortes" mais j'ai découvert votre blog il y a peu et j'aime bien ce que vous y faites. Et ce titre là, avec sa très belle couverture, il m'intéresse bien... Il y a peu j'ai lu "la fissure" d'Abril et Spottorno, et bien que moins introspectif (d'après ce que tu en dis) je pense que ça peut se situer dans la même veine... Un récit journalistique sur une thématique de crise humanitaire. Et tant qu'à lire, lisons le monde. J'irai donc découvrir ce titre avec une grande curiosité.
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