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Le Capharnaüm Éclairé
18 mars 2019

"Oyana" d'Éric Plamondon

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L'histoire : S’il est difficile de vivre, il est bien plus malaisé d’expliquer sa vie.
Elle a fait de son existence une digue pour retenir le passé. Jusqu’à la rupture. Elle est née au pays Basque et a vieilli à Montréal. Un soir de mai 2018, le hasard la ramène brutalement en arrière. Sans savoir encore jusqu’où les mots la mèneront, elle écrit à l’homme de sa vie pour tenter de s’expliquer et qu’il puisse comprendre. Il y a des choix qui changent des vies. Certains, plus définitivement que d’autres. Elle n’a que deux certitudes : elle s’appelle Oyana et l’ETA n’existe plus.

La critique de Mr K : C'est avec un grand plaisir que je vous présente aujourd'hui Oyana d'Éric Plamondon. Ce dernier m'avait littéralement scotché avec son précédent ouvrage, Taqawan, qui à travers une langue limpide mêlait habilement récit intimiste et œuvre à portée universelle. Il me tardait donc de retrouver cet auteur qui m'avait tellement bousculé ! C'est désormais chose faite avec ce roman qui livre un magnifique portrait de femme et une belle ouverture sur le peuple basque et ses luttes.

Oyana a décidé de partir de chez elle à Montréal pour revenir à ses racines basques. À travers une série de lettres qu'elle adresse à son compagnon, elle revient sur les épisodes marquants de sa jeune existence avec des flashback nombreux et parfois très douloureux... Car Oyana a du fuir son pays pour se réfugier en Amérique, d'abord au Mexique puis au Canada. Mêlée à une affaire mettant en cause l'ETA, elle a coupé définitivement avec son passé pour se construire une nouvelle vie. Mais on a beau retenir comme on peut les souvenirs, ils finissent toujours par ressurgir. Remords et regrets se mêlent pour finalement ne plus trop vous laisser de choix...

Le personnage d'Oyana est passionnant à suivre. Au fil des courts chapitres qui composent le livre, on apprend à la connaître, la jeune femme se livrant pour la première fois très intimement à Xavier, le médecin anesthésiste qu'elle a rencontré au cours de la première partie de son exil au Mexique. Elle égraine ainsi ses souvenirs d'enfance face à la mer et le monde de la pêche, la découverte d'un cachalot agonisant sur la plage, les copains, les premiers amours et finalement une rencontre qui va faire basculer sa vie. Le pays basque est alors une région quasiment en guerre avec les Etats français et espagnols et l'ETA poursuit une lutte armée au nom de l'indépendance. Par insouciance et surtout une grande naïveté, Oyana se retrouve au coeur d'un attentat qui fera des victimes... Elle bascule alors de l'autre côté, rongée par le remord et risquant d'être attrapée, elle part. En écrivant ces souvenirs et bien d'autres, Oyana finalement se confesse, relâche la pression qui s'exerce en elle depuis trop longtemps. Elle a décidé de repartir en Euskadi quitte à tout abandonner derrière elle, y compris l'homme de sa vie avec qui elle vit une belle relation depuis longtemps. Personnage complexe, très attachant, Oyana vous charmera irrémédiablement et sa trajectoire personnelle vous marquera sans nul doute.

L'auteur alterne ces parties très intimistes avec des chapitres souvent plus courts tirés de différentes sources comme d'ailleurs il l'avait déjà fait avec son précédent ouvrage. Textes officiels du groupe séparatiste, de l’État espagnol, coupures de journaux, passages plus historiques expliquant les origines du Pays Basque et l'évolution de son statut, nature de la cause défendue... autant de petits passages loin d'être rébarbatifs et qui nourrissent le récit principal en donnant une épaisseur au personnage principal. Mais pas seulement, cela donne à voir réellement le contexte de cette lutte sanguinaire qui opposa tour à tour nationalistes franquistes et républicains espagnols puis l'ETA avec les États espagnols et français. L'auteur sans tomber dans la complaisance révèle les rouages et logiques cachées bien trop souvent par les autorités, préférant comme de coutume dresser un portrait caricatural de leurs opposants. Beaucoup de nuance donc dans ce livre qui renvoie dos à dos la violence terroriste et la violence d’État qui fit elle aussi de nombreuses victimes. Une mélancolie vient s'ajouter là-dessus avec le sentiment diffus du personnage principal que des pans entiers de l'identité basque sont presque voués à disparaître avec notamment lors de son retour dans le sud-ouest le choc de voir les changements opérés dans les lieux de son enfance.

Oyana se lit d'une traite et l'on retrouve toutes les qualités d'Éric Plamondon pour proposer une œuvre engagée, profondément humaniste et très émouvante. On a le cœur au bord des lèvres tout au long de cette lecture qui se révèle tout aussi plaisante qu'instructive, bouleversante parfois avec un personnage central magnifique que l'écriture simple (mais pas simpliste) vient sublimer. C'est beau, c'est puissant et ça emporte l'adhésion totale du lecteur. Un petit bijou que je vous invite à découvrir au plus vite !

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Commentaires
P
J’ai bien aimé Taqawan et le sujet traité avec Oyana m’intéresse tout particulièrement parce qu’il me rappelle, d’une certaine manière, la crise d’octobre 1970 au Québec. Je lirai ce livre avec plaisir.
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