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Le Capharnaüm Éclairé
3 mars 2019

"Comment j'ai raté mes vacances" de Geoff Nicholson

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L'histoire: " Ne vous inquiétez pas, messieurs les policiers, je peux tout expliquer... " Votre vie peut basculer très vite, même en vacances ! Motivé par une crise existentielle, Eric a décidé de goûter aux délices du camping-caravaning en famille. Malgré une tenace bonne volonté et un goût modéré pour l'imprévu, les événements déroutants et effrayants s'enchaînent. Sa femme est prise de pulsions sexuelles irrépressibles, sa fille traverse une crise de mysticisme et son fils retourne à l'état de nature. Viennent s'ajouter à cette tribu déjantée des vacanciers loufoques, un policier cinglé et des corps sans tête.

La critique de Mr K : Chronique d'une lecture bien branque aujourd'hui avec Comment j'ai raté mes vacances de Geoff Nicholson. Présenté comme le petit cousin des Marx Brothers et de Tom Sharpe (rien de moins !), l'auteur nous livre un récit décalé et ubuesque qui met aux prises un homme du commun à de multiples épreuves lors d'un séjour en camping qui est loin de se dérouler comme il l'avait rêvé. Accrochez-vous ça dépote et l'atterrissage est particulièrement rude !

Éric est comptable dans une grande boite. C'est quelqu'un de pondéré, arrangeant, adepte du consensus à tout va. À 45 ans, il est toujours aussi amoureux de sa femme, la belle Kathleen, et a deux enfants Max et Sally qu'il chérit de tout son cœur. Suite à une baisse de régime et pour réfléchir au calme à sa vie, il décide de partir en vacances avec toute sa smala dans un camping-caravaning qu'il a fréquenté étant jeune. Malheureusement pour lui, le sort va s'acharner. Entre ses proches qui pètent chacun les plombs à leur manière, des imprévus et des tracas divers s'invitant dans le quotidien, très vite les drames s'accumulent. Notre héros aura donc fort à faire pour garder son calme et son flegme naturel, il est anglais après tout ! Mais il arrive toujours un moment où à force de tirer sur la corde, elle finit par casser... Et je peux vous garantir que le dénouement tient toutes ses promesses !

Je voulais une lecture divertissante, j'ai été servi. Plus on avance dans la lecture plus le second degré, le cynisme et l'humour noir s'accumulent. Le pauvre Éric a le don pour avoir le sort contre lui entre la voiture qui lâche, les voisins dérangés qu'il doit se coltiner, les agressions multiples et diverses dont il est la victime, sa cinglée de famille qui lui en fait voir des vertes et des pas mûres... C'est bien simple rien ne lui est épargné et plus on progresse dans l'histoire, plus il semble isolé et seul face à ses problèmes. C'est l'aspect un peu sombre qui apparaît sous le vernis de la farce et de l'exagération. Croquignolesques, parfois dantesques, les situations s'enchainent mettant le lecteur mal à l'aise et provoquant en même temps l'hilarité. On se demande bien jusqu'où l'imagination fertile (et tordue) de l'auteur va nous mener... Ayez le cœur bien accroché, ça va loin ! On détourne les tabous, on trucide, on tronche... Bref, ça part dans tous les sens !

On s'amuse beaucoup et on s'accroche finalement à ce personnage principal un peu mou, sans réelle opinion arrêtée sur le monde et les êtres qui l'entourent. Il a en fait le profil idéal de la victime qui va se faire avoir. Ce qui peut énerver de prime abord devient jouissif à la fin quand le héros finit par se réveiller et libérer toutes les tensions accumulées. Les personnages secondaires sont aussi savoureux, avec sa femme nymphomane véritable cordon bleu à la langue bien pendue, le fils revenu à l'état sauvage oscillant entre trip survivaliste et pulsions freudiennes, une fille illuminée poussée vers Dieu par des forces qui dépassent l'entendement. Sans compter un commissaire fascisant amateur de belle musique, un vieux réactionnaire adepte de la manière forte, des pêcheurs passionnés menacés par leurs prises, un couple de mexicains adepte de musique et de découpe, des cadavres sans têtes qui commencent à se multiplier et pléthore d'âmes errantes, perturbées et qui font basculer le récit bien souvent vers le surréalisme.

Pas le temps de s'ennuyer dans ces conditions. Découpé en autant de journées que compte le séjour de la famille, le narrateur-héros égrène son quotidien avec une distanciation ironique bienvenue et rafraîchissante. La litanie du réveil, les problèmes de la journée, le coucher, à la manière d'un serpent qui se mord la queue, rien ne semble débuter et finir, le héros n'arrive pas à se dépatouiller d'un fatum implacable qui le poursuit et le harcèle. Très bien écrit entre langue gouleyante et parfois bien crue, on se gondole beaucoup entre rire jaune et éléments plus classiques des ressorts comiques. Personnages inoubliables, situations plus improbables nous mènent à une fin sans concession et finalement porteuse d'espoir malgré la situation finale du héros. Une belle expérience littéraire, différente de ce que l'on peut lire et qui plaira aux amateurs d'humour vache et de tragi-comédie.

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Commentaires
E
oh ça doit faire du bien un lecture de cet acabit de temps en temps !
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