Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Disparue
- Sauver sa peau
- La maison d'à côté
- Tu ne m'échapperas pas
- Arrêtez-moi
- Les Morsures du passé
- Le saut de l'ange
- Derniers adieux
"À même la peau" de Lisa Gardner
L'histoire : Fille d’un tueur en série et sœur d’une meurtrière à 14 ans, Adeline est devenue médecin, comme son père adoptif. Sa spécialité : la douleur, qu’une anomalie génétique l’empêche pourtant de ressentir. C’est dans son cabinet qu’elle rencontre l’inspectrice DD Warren, blessée à l’épaule sur une scène de crime. Elle a été poussée dans l’escalier mais n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé. Alors qu’elle se laisse doucement séduire par les méthodes de sa thérapeute, DD Warren découvre que les meurtres sur lesquels elle enquête, des jeunes femmes écorchées, ressemblent étrangement à ceux commis par le père d’Adeline il y a plus de vingt ans...
La critique de Mr K : Chronique d'une lecture éclair aujourd'hui avec À même la peau, le dernier titre traduit en France de Lisa Gardner, tout juste sorti chez Albin Michel. Étant un fan quasi inconditionnel de la Dame, j'attendais avec impatience le nouvel opus des enquêtes de DD Warren, inspectrice forte en gueule entièrement dévouée à son travail. Pas de doute, dès le début, on est dans un Lisa Gardner, la mayonnaise prend immédiatement et il est impossible de se dépêtrer de ces pages tant on est pris par son sens unique du récit et du suspens.
On retrouve donc l'enquêtrice fétiche de l'auteure en bien fâcheuse posture. En revenant sur les lieux d'un crime, elle y croise le tueur en fuite qui la pousse et la propulse au bas des escaliers. En découle une grave blessure qui lui immobilise le bras et innerve son corps de douleurs insupportables. Quand on connaît le caractère retors du personnage, vous imaginez l'état de frustration dans lequel elle se trouve. Mis au placard pour cause de convalescence, elle n'en finit pas de pester sur son état et son incapacité temporaire de pouvoir aller bosser. Nombreuses sont les pages la mettant aux prises avec ses souffrances, distillant le doute chez un personnage pour le coup en état de faiblesse, situation peu commune pour DD Warren. Elle devra tout au long du roman se remettre en question et accepter la douleur pour pouvoir la dépasser. Long et rude est son retour à la normale et dans le domaine la description qu'en fait Gardner est une pure réussite.
En parallèle, on suit l'enquête menée par son équipe et son mari (prof à l'école de police), consultant pour l'occasion. Des jeunes femmes sont tuées selon un rituel effroyable : endormies puis tuées sans douleur, elles sont ensuite écorchées... Bon appétit ! Assez vite, les forces de l'ordre font le rapprochement avec des meurtres datant de quarante ans, même profil de victimes, même rituel sanglant. Le meurtrier d'alors étant six pieds sous terre depuis longtemps (Harry Day), difficile de pouvoir l'incriminer ! A qui a-t-on affaire ? Un Copycat ? Un fan cinglé ? Ou ne serait-ce pas l’œuvre d'une de ses deux filles survivantes ? Difficile d'éclaircir ce mystère entre un tueur insaisissable qui ne laisse que très peu d'indices derrière lui et des personnalités complexes qui se livrent peu... De fil en aiguille, le jour se fait peu à peu sur les ramifications d'une histoire qui n'épargnera personne et en premier lieu le concept de famille américaine tant vanté dans les productions US.
Au delà du personnage de DD Warren que j'ai trouvé particulièrement bien traité, j'ai adoré le traitement réservé aux deux sœurs par l'auteure. Elles sont très différentes l'une de l'autre : Shana est en prison pour perpétuité après de multiples meurtres et Adeline est devenue une psychiatre de renom spécialisée dans le domaine de la douleur (elle même est atteinte d'une affection rare qui l'empêche de ressentir la moindre douleur - comme un personnage de la première trilogie Millénium dixit Nelfe -). Chapitre après chapitre (alternance entre le point de vue de DD Warren et celui d'Adeline), la relation spéciale qui lie ces deux personnages est explorée en profondeur, faite d'attirance et de répulsion, d'amour et de ressentiment. On rentre dans la complexité de l'esprit humain, sa métamorphose au gré des expériences et sa capacité d'abstraction. Les visites en prison se succèdent, les discussions aussi et lèvent le voile sur des vérités enfouies profondément et sur la nature réelle des sentiments qui relient les deux sœurs. J'ai été vraiment conquis par ces deux personnages et la fin de l'ouvrage m'a laissé pantois les concernant, sentiment plutôt rare pour moi quand je lis des thrillers ou en général, on est rarement touché au plus profond de soi et de ses convictions.
On retrouve le don de l'auteure pour livrer une trame aux apparences classiques mais qui va dérouler des péripéties inattendues et des révélations surprenantes. Comme à chaque fois avec elle, on s'amuse à deviner qui a fait le coup, que cachent les masques exposés et je dois avouer que je me suis fait berner une bonne partie de l'ouvrage. Le sempiternel jeu du chat et de la souris fonctionne à plein, les menaces s'accumulent et les fausses pistes aussi. C'est ce qu'on en attend en premier avec ce genre de lecture et l'on n'est pas déçu ici avec en plus, ce talent hors pair que déploie l'auteure dans le tissage de sa toile et son style toujours aussi incisif et efficace. Un bon thriller qui fera plaisir aux amateurs du genre et comblera une fois de plus les fans de Gardner. Vivement le prochain pour ma part !