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L’histoire : Finalement les fusées étaient trop lentes. Mieux valait confier l'exploration spatiale à des hommes aux pouvoirs télékinésiques prononcés. Leurs facultés psy leur permettaient, sans se déplacer, de projeter leur esprit jusqu'aux étoiles. Leur centre, surnommé l'Hameçon, commercialisait ensuite les idées et les techniques que les explorateurs avaient rapportées des planètes lointaines.

Lorsque Shepherd Blaine ramène une entité extraterrestre qui a pénétré dans son esprit, il sait que l'Hameçon, ne prendra pas de risques : dans ce cas-là, on supprime l'explorateur. Il doit fuir. Mais, hors de l'Hameçon, les hommes doués de facultés psy sont massacrés par la foule qui a peur d'eux. Blaine est donc perdu. Toutefois, il n'est plus seul désormais, une entité aux pouvoirs inconnus l'habite...

La critique de Mr K : Ça fait déjà un petit bout de temps que j’étais tombé sur cet ouvrage de Simak, un auteur de l’âge d’or de la SF US que j’aime pratiquer à l’occasion. Il faut dire que je ne me suis jamais vraiment remis du choc de ma lecture de Demain les chiens, un classique de la SF prospective et inventive. Le Pêcheur ne navigue clairement pas dans les mêmes eaux, l’auteur produisant ici un ouvrage de série B type, qui a pour but principal de divertir. Cependant, on peut compter sur Simak pour y introduire quelques éléments de réflexion sur le genre humain. Au final, cette lecture fut une belle expérience.

Sheperd Blaine est un explorateur des temps futurs. La science ayant échoué à réussir à envoyer des hommes loin et très longtemps, elle s’est rabattue sur les possibilités qu’offrait l’esprit avec le développement des voyages psychiques. Chaque "voyageur" explore donc des mondes lointains et essaie d’en ramener des souvenirs et des données qui sont ensuite exploités pour faire progresser l’humanité. Sheperd n’en est pas à son premier voyage quand il revient dans la base en compagnie d’une présence incongrue au fond de son cerveau, une entité extra-terrestre intelligente et curieuse. Ni une ni deux, il s’enfuit le plus loin possible de ses collaborateurs car il se sait condamné car tout contact direct est interdit avec des êtres venus d’ailleurs. Commence alors une fuite en avant qui le verra combattre ses anciens alliés et essayer d’échapper à un monde replongé dans l’obscurantisme chassant toutes les manifestations scientifiques qui sont sources de mal pour eux, les vieilles superstitions étant revenues au goût du jour. Autant vous dire que ce n’est pas gagné pour lui !

Le roman commence dare-dare avec le retour sur terre de Sheperd qui doit prendre immédiatement la décision qui va faire basculer sa vie dans une course sans fin. Le rythme ne se relâche plus jamais, laissant libre cours à une course poursuite dantesque qui voit le héros s’engluer dans un monde transformé en gigantesque toile d’araignée pour un être comme lui. Traître aux yeux de ses anciens compagnons, il représente une sérieuse menace aux yeux des humains dits normaux c’est-à-dire sans pouvoirs psy. Il trouvera donc nombre d’obstacles sur sa route, devra démêler faux-semblants et situations inextricables (sur qui peut-il compter ? Comment échapper à une foule en colère ? Comment apprivoiser l’entité qui lui parle dans ses pensées ?). La tension semble ne jamais devoir retomber et Sheperd est soumis à rude épreuve et devra faire preuve de la plus grande prudence et d’une adaptabilité sans faille.

La télékinésie au centre récit est très bien rendue car Sheperd peut en effet lire dans les pensées des uns, envoyer des images dans l'esprit des autres et communique avec son passager intérieur. Ces passages efficaces rajoutent une touche bien délirante à l’ensemble. De plus, comme dans beaucoup d’ouvrage de Simak le livre sent bon la nature, la bonne terre avec des passages descriptifs très poétiques lorsque le héros remonte une rivière en canoë ou grimpe un chemin escarpé à travers les collines ou les montagnes. Rappelons que Simak était un amoureux de la nature qu’il aimait introduire dans ses ouvrages de SF, comme une sorte de mythe du Paradis perdu que les héros essaient de retrouver à travers leurs pérégrinations. Ces passages ici, même s’ils n’effacent pas les tensions sous-jacentes, introduisent une certaine forme de douceur, d’accalmie devant les problèmes soulevés par la situation précaire du héros. Encore un bon point !

On retrouve ici tout le talent de conteur de Simak avec sa langue souple et efficace qui alterne moments de bravoure et apports contextuels finement entremêlés, brossant un monde futuriste inquiétant car redevenu rétrograde et méfiant. L’humain est véritablement un loup pour l’humain dans ce récit impitoyable et sans réel espoir apparent pour ces humains aux capacités psy pourchassés sans vergogne par les apôtres d’un ordre moral rigide et intolérant. Bien que moins présentes que dans d’autres ouvrages du maître, ses thématiques bien qu’effleurées restent prégnantes et apportent une densité intéressante à une histoire plutôt classique où toute surprise semble absente quand on est un vieux briscard de la lecture SF tel que moi. Rien de rédhibitoire en terme de plaisir de lecture pour autant, on passe un bon moment et aucun regret ne pointe à l’horizon lorsque l’on referme définitivement le volume. Avis aux amateurs !

Autres lectures de Clifford D. Simak chroniquées au Capharnaüm Éclairé:
Demain les chiens
L'empire des esprits
Mastodonia
Carrefour des étoiles
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