Daniel Blake afficheL'histoire : Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans, est contraint de faire appel à l’aide sociale à la suite de problèmes cardiaques. Mais bien que son médecin lui ait interdit de travailler, il se voit signifier l'obligation d'une recherche d'emploi sous peine de sanction. Au cours de ses rendez-vous réguliers au "job center", Daniel va croiser la route de Katie, mère célibataire de deux enfants qui a été contrainte d'accepter un logement à 450km de sa ville natale pour ne pas être placée en foyer d’accueil. Pris tous deux dans les filets des aberrations administratives de la Grande-Bretagne d’aujourd’hui, Daniel et Katie vont tenter de s’entraider...

La critique Nelfesque : "Moi, Daniel Blake" est un film que j'avais très envie de voir depuis la dernière édition du Festival de Cannes où il a remporté la Palme d'Or. Mais voilà, on ne fait pas toujours ce que l'on veut et lors de sa diffusion en octobre dernier, je n'ai pas pu y aller. C'est maintenant chose faite grâce au Festival Télérama qui permet chaque année d'aller à la repêche (ça me rajeunit !) à tout petit prix. C'est seule que je me suis dirigée vers notre salle obscure, Mr K n'étant pas friand de ce type de films...

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... Et ça peut se comprendre tant le cinéma de Ken Loach s'inscrit dans le présent et dans le cinéma dit social, dont "Moi, Daniel Blake" est un parfait exemple. Ici, on ne va pas vraiment au cinéma pour se changer les idées et pour passer un bon moment de détente joyeuse. Ah ça non ! Ken Loach nous plonge dans la société contemporaine, sans bouée de sauvetage et n'hésite pas parfois à nous mettre la tête sous l'eau.

On suit ici Daniel Blake qui, quasi soixantenaire, ne peut plus travailler suite à un accident cardiaque sur un chantier. Ironie de l'histoire, le Job Center (équivalent du Pôle Emploi britannique) l'oblige à prouver qu'il est en recherche d'emploi pour lui verser les indemnités auxquelles il a droit. Du travail, de l'argent à la fin du mois. Plus de travail, place à la galère administrative et aux situations kafkaïennes qui vont avec. C'est au Job Center qu'il rencontre un jour Katie, mère célibataire de deux enfants qui arrivant en retard à son RDV avec son "conseiller", suite à un problème de bus, voit ses versements d'indemnités suspendus et menacée de radiation.

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"Moi, Daniel Blake" fait l'état des lieux de ce qu'est la couverture sociale actuelle en Angleterre. Situations ubuesques, technocratie, déshumanisation, ce film fait mal au coeur et met le spectateur en situation de malaise entre indignation, tristesse et résignation. Les vies de Daniel et Katie sont totalement bousculées par leurs problèmes de travail, de santé et d'argent. Malgré tout, ils vont se soutenir, avec le peu qu'ils ont et faire en sorte que la vie soit un peu moins difficile (toute proportion gardée).

Certaines scènes sont effroyables et nous tombent dessus comme des coups de massue. Je pense notamment à celle où Katie doit se rendre avec ses enfants à la Banque Alimentaire. Un moment éprouvant où honte, désarroi et abattement envahissent le personnage devant les yeux inquiets de ses enfants. Cette scène m'a littéralement prise à la gorge. Comment la misère sociale peut toucher tout le monde, combien il est difficile de garder la tête haute lorsque les obstacles sont si élevés... Impossible de rester insensible aux trajectoires de vie que "Moi, Daniel Blake" nous donne à voir.

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Certains diront que cette force de dénonciation est aussi une faiblesse, celle de tomber dans le misérabilisme. Chacun peut être tenté de penser qu'il est plus facile de plaindre que de se relever. Mais après avoir vu ce film, comment ne pas être convaincu que les personnes touchées par la pauvreté pour x raisons ne cherchent pas à s'en sortir par tous les moyens ? Comment ne pas voir le parcours du combattant qu'ils doivent arpenter ? Débrouille, entraide et surtout bienveillance entourent ce film. Daniel devient le grand-père que les enfants de Katie n'ont jamais eu, Katie trouve une aide précieuse en Daniel et ce dernier, une raison de vivre et d'être utile.

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"Moi, Daniel Blake" est un très joli film qui montre que la vie est dure, que tout est fait pour la rendre encore plus compliquée parfois mais qu'ensemble, avec des petites choses et une bonne dose de solidarité, nous pouvons améliorer un peu l'ordinaire. Ce n'est pas la panacée mais ça met du baume au coeur dans un quotidien parfois très gris pour certains. Une bouffée d'oxygène salvatrice et indispensable. Les petits bonheurs de chaque instant, la simple présence, l'attention portée viennent contrebalancer l'aspect rude du film. C'est la première fois que je vis une séance de cinéma, hors avant-première, qui se termine sur un générique silencieux sous les applaudissements de spectateurs émus dans la salle. Tous ont applaudi tous les Daniel Blake pour ce qu'ils étaient, sont et seront : des hommes debout.