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Le Capharnaüm Éclairé
18 décembre 2016

"Roi du matin, reine du jour" de Ian McDonald

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L’histoire : Emily Desmond, Jessica Caldwell, Enye MacCall, trois générations de femmes irlandaises, folles pour certains, sorcières pour d'autres. La première fréquente les lutins du bois de Bridestone quand son père, astronome, essaie de communiquer avec des extraterrestres qu'il imagine embarqués sur une comète. La seconde, jeune Dublinoise mythomane, se réfugie dans ses mensonges parce que la vérité est sans doute trop dure à supporter. Quant à Enye MacColl, katana à la main, elle mène un combat secret contre des monstres venus d'on ne sait où.

La critique de Mr K : C’est à un voyage incroyable que je vous convie aujourd’hui avec un étrange et envoûtant roman en triptyque qui bouscule les lignes et trouble profondément le lecteur provoquant des réactions et des sentiments contradictoires. Auteur irlandais bien connu des amateurs de littérature, Ian McDonald nous propose à travers le destin de trois femmes en marge de la société de leur époque de revisiter les légendes irlandaises. Accrochez-vous, ça décoiffe!

Roi du matin, reine du jour par définition est difficile à résumer car au-delà des trois histoires distinctes se forme un substrat global déconcertant et tissé à la manière d’une toile d’araignée qui emprisonne sans espoir de retour un lecteur pris littéralement en otage. Emily dans le premier tiers est une jeune fille rêveuse qui aperçoit des créatures de contes de fée dans les bois bordant le domaine familiale. Son bourgeois de père la délaisse pour une lubie délirante autour d’extra-terrestres vivant sur une comète. Le père et la fille s’éloignent inexorablement l’un de l’autre et cela va provoquer une série d'événements qui auront de grandes conséquences. On rebondit alors sur le curieux personnage de Jessica, une jeune fille fort en gueule, mythomane compulsive qui n’arrive pas à trouver sa voie et va rencontrer un charmant jeune homme membre de l’IRA. Elle va partir avec lui loin de sa famille pour un voyage aux marges de la légalité et du réel. Enfin, le roman se termine avec Enye, une adepte du katana qui livre régulièrement de féroces combats dans les ruelles de Dublin contre des monstres difformes venus la provoquer. Mais pourquoi elle ? Et surtout quel(s) lien(s) peut-il exister entre ces trois femmes hautes en couleur ?

Autant vous le dire tout de suite, il va vous falloir vous munir de beaucoup de patience pour connaître le fin mot de l’histoire. Le livre est dense (480 pages) et chargé de références. Au delà de la narration de trois destins malmenés, c’est l’occasion pour l’auteur de nous parler de l’Irlande avec son histoire tumultueuse (notamment les rapports complexes avec l’Angleterre) au travers de trois époques bien particulières : le XIXème siècle, les années 20 et la fin du XXème siècle. Les références sont parfois difficiles à saisir mais une micro-recherche sur internet permet de lever le voile sur certains concepts qui nous sont étrangers. Cela donne au final, une belle évocation du pays qui donne d’ailleurs bien envie d’y aller. On côtoie toutes sortes de milieux, d’époques et l’ensemble donne une bonne vision globale de la société irlandaise (entre conservatisme des mœurs, traditions ancestrales et la liberté qui s’exprime dans les beaux paysages traversés).

L’apport culturel est aussi très important en terme de coutumes, de manières de voir et surtout l’immersion dans un imaginaire que l’on évoque beaucoup mais qu’on connaît au final assez mal. J’ai été ainsi très surpris (et agréablement) par l’aspect sombre de certains personnages de légende et autres interactions avec le monde des humains. Les forces en œuvre sont puissantes, tour à tour séduisantes avec des évocations parfois lyriques parfois naturalistes et des passages bien plus ténébreux avec des scènes effrayantes rappelant d’ailleurs les aspects parfois mortifères de nos belles légendes bretonnes. On n’est pas cousins pour rien ! Le génie de McDonald est de garder ce côté authentique et fantasmé et de le confronter à la réalité des femmes qui peuplent (hantent) ce roman. Il n’y en a jamais de trop, juste une savoureuse mesure qui entretient le mystère et le désir d’en savoir encore plus.

Peu à peu, les pièces du puzzle s’assemblent, très lentement mais sûrement. On reste bluffé par la maestria déployée par un auteur vraiment inspiré et inspirant mais qu’il faut suivre parfois dans des délires complètement hallucinés entre réalité pure, altération magique et parfois même chimique. Décidément ce livre était fait pour moi tant McDonald se complaît à repousser les limites de la narration en livrant trois styles différents en trois parties qui se complètent idéalement. On passe ainsi du récit épistolaire à des narrations plus classiques avec différents points de vue. Il faut donc bien suivre et se donner les moyens de le faire. Impossible de prendre ce roman à la légère, au risque de s’y perdre et de le laisser sur le chemin. Ce serait bien dommage vu sa teneur et sa profondeur.

Même s’il est parfois rugueux avec des passages quelque peu complexes dus à une langue foisonnante et très inventive (qu’est-ce que l’auteur écrit bien !), on passe un moment vraiment inoubliable si l’on est amateur de légendes et de narrations expérimentales. Un pur plaisir en bouche pour un voyage vraiment hors du commun.

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Commentaires
W
J'adore cet auteur et ce roman est vraiment bon. Il y a beaucoup de références du folklore irlandais, de la culture populaire et les personnages sont géniaux. Il a très bien mélangé les genres. depuis 2017, tu as du lire d'autres romans mais j'ai un amour particulier pour la maison des derviches avec lequel j'ai découvert l'auteur.
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J
Chouette roman de Ian McDonald, un auteur que j'aime beaucoup
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