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Le Capharnaüm Éclairé
6 juillet 2016

"Les Lois de la gravité" de Jean Teulé

lesloisdelagravitéteulé

L'histoire : Dans trois heures, le lieutenant Pontoise pourra quitter son poste. À cet instant précis, une femme entre dans le commissariat désert et demande à être arrêtée. Dix ans plus tôt, elle a poussé son mari par la fenêtre de leur appartement du 11ème étage. Il les battait, elle et ses enfants. Elle a prétendu qu'il s'agissait d'un suicide et tout le monde l'a crue. Elle veut se dénoncer avant minuit parce qu'elle a des remords et que le lendemain son crime sera prescrit...

La critique de Mr K : Ça faisait un bail que je n'avais pas lu de Teulé ! Il faut dire que j'ai pratiqué intensément le bonhomme et que ce n'est que récemment que je tombai inopinément sur ce titre qui avait jusque là échappé à mes griffes acérées de lecteur compulsif. L'ouvrage en lui-même est très court (129 pages), et il ne m'a fallu qu'une moitié d'après-midi ensoleillée pour le parcourir. Ce fut bon et intense.

Récit tiré d'une histoire vraie, la quatrième de couverture des Lois de la gravité intrigue, le déroulé passionne. Une femme vient se livrer tard dans la nuit dans son commissariat de quartier. Elle a tué son mari en le précipitant du onzième étage de leur appartement. Dépressif et violent, il s'était raté à plusieurs reprise et ce soir là, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Sa femme commet l'irréparable et la suite des événements incline à faire penser au suicide, la police après une brève entrevue classe l'affaire. C'est sans compter les remords et une certaine idée de la morale qui empêchent cette femme de dormir et la conduisent à se confesser la veille de la prescription du crime auprès du lieutenant Pontoise, en service ce soir là. Commence alors un étrange dialogue de sourd entre une criminelle voulant absolument se faire arrêter et un policier qui récuse l'idée...

Comme à son habitude, Teulé fait dans l'accessible et le profond. La langue est toujours aussi gouleyante et en quelques mots, quelques phrases, décors et personnages sont plantés. On entre dès le départ dans un univers sombre ou peu d'espoir transparaît. On côtoie une misère sociale extrême à travers le parcours de vie de la jeune femme (la trentaine au moment de la narration) : pauvreté, déterminisme social, mariage raté, violence ordinaire et au final une existence subie et aliénante. Au cœur de tout cela, un geste irréfléchi qui mène au drame. Comme le dit si bien l'héroïne dans une formulation qui touche juste : "Il est, monsieur, des amours sans douceur". Loin de la libérer, ce crime va peser sur la conscience de la jeune femme, loin d'être illégitime, il n'en reste pas moins marqué du sceau du Mal.

Face à elle, un policier qui ne comprend pas ce geste. Comment peut-on vouloir se laisser enfermer alors que le mort était aussi détestable et surtout que l'on a encore trois enfants à charge. Il tente alors par divers stratagèmes de la détourner de son choix en essayant de la faire réagir par rapport à ses enfants qu'elle laisserait derrière elle, sa jeunesse qui lui permettrait d'envisager de changer de vie, il va même jouer la montre pour empêcher l'arrestation. Il se découvre peu à peu lui aussi à travers des petites histoires et anecdotes qu'il lui raconte pour la faire changer d'avis. Lui aussi n'a pas eu la vie facile, ces deux destins finalement étaient faits pour se rencontrer, la tension monte peu à peu et on se doute que le final sera peu commun. Nulle déception en ce sens avec un dernier chapitre qui cloue littéralement le lecteur sur place. Mais si vous connaissez Teulé, vous ne serez pas surpris.

Il y a un aspect très "théâtre" dans ce court récit. C'est dû au découpage poussé du récit (les chapitres ne dépassent jamais les 5 pages) et le charisme incroyable des deux personnages. D'un simple fait divers, ils incarnent à eux seuls nombre de maux de la société, une désespérance bien trop présente encore aujourd'hui (le livre date de 2003) et la misère de certaines existences humaines. Impossible de refermer le livre avant le mot fin tant on est pris à la gorge par les fragments de vie contés et l'envie de connaître le fin mot de l'histoire. On passe donc un bon moment (pas le meilleur de Teulé pour autant, je reste un inconditionnel du Montespan et de Villon) entre humour noir, côtoiement des pauvres gens et réflexion plus générale sur nos vies. À lire donc !

Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm Éclairé :
Darling
Je, François Villon
Charly 9
Mangez-le si vous voulez
Le Montespan
Fleur de tonnerre
- Le Magasin des suicides

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