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Le Capharnaüm Éclairé
18 avril 2016

"Les Invisibles" de Hugh Sheehy

L'histoire : Hantées par de mystérieuses disparitions, des traces de violence ou une odeur de sang encore fraîche, les nouvelles de Hugh Sheehy sont autant d’éclats de noirceur au sein d’une Amérique singulière et étrange. Tous les personnages pourraient être "invisibles" à nos yeux, sans les drames qui les percutent de plein fouet et viennent bouleverser le cours de leurs existences. Une institutrice est séquestrée par deux marginaux dans le sous-sol de son école, avec l’un de ses élèves. Une adolescente de dix-sept ans en vient à envier ses meilleurs amis, certainement victimes d’un tueur en série. Un jeune homme retourne dans sa ville natale pour apprendre que son amour de jeunesse a été sauvagement assassinée...

 

La critique de Mr K : Nouvelle incursion dans la collection Terres d'Amérique d'Albin Michel avec le premier recueil de nouvelles d'un auteur américain émergent: Hugh Sheehy. En le recevant, j'ai de suite pensé à deux ouvrages que j'avais adoré Le Paradis des animaux de David James Poissant et Les Lumières de Central Park de Tom Barbash, deux recueils de nouvelles de jeunes pousses américaines placées sous le sceau du réalisme et de la désespérance humaine. Le pari est moins réussi avec Les Invisibles qui malgré quelques fulgurances ne décolle jamais vraiment et a manqué d'intensité émotionnelle à mes yeux. Mais revenons plus en détail sur cette lecture.

 

11 nouvelles réparties sur 284 pages se proposent de nous présenter des parcours de vie brisés dans une économie de mots poussée à l'extrême. On dépasse ici rarement la vingtaine de pages lors de micro-récits qui n'épargnent rien à leurs personnages: un surveillant de plage va rencontrer le sosie de sa fiancée disparue et confondre rêve et réalité, deux gamins jouent à se faire peur lors d'un soirée entre voisins, un homme recherche son beau-fils handicapé accusé d'incendie volontaire répété, un adolescent en perdition suit les pas d'un copain bien barré, un amnésique tente de retrouver la mémoire, un homme se souvient de son enfance quand il apprend que sa voisine a été sauvagement assassinée, un couple attend la venue de leur enfant et essaie de trouver un prénom qui convienne aux deux partis, un homme tente de rentrer chez lui alors qu'il se trouve en plein blizzard, une jeune fille se rend compte que ses amis ont été les proies d'un serial killer et une institutrice se retrouve séquestrée avec un de ses jeunes élèves par deux marginaux. Autant de situations qui vont dévisser de manière irrémédiable et marquer dans leur chair et leur esprit des humains lambda, loin des images véhiculées dans les films et certaines séries US.

 

Chaque nouvelle est donc un instantané d'une existence marquée par le lieu de l'action, l'époque est quant à elle contemporaine sauf dans certains flashback. On voyage beaucoup à travers les États-Unis entre fermes isolées, forêt profonde, routes verglacées, appartement en haut d'un building, plage californienne inondée de soleil et battue par le vent... Nul doute, on est en Amérique, terre éprise de liberté (certains personnages en sont les dépositaires dans ces nouvelles) mais percluse de contradictions dont l'ultra-solitude que peuvent ressentir certaines personnes. C'est d'ailleurs le point commun à chacun des textes, la solitude qui peut envahir n'importe qui et le faire sombrer dans une profonde mélancolie. Il y a de très beaux passages qui rendent compte d'un spleen persistant et funeste, l'auteur excelle dans la description de l'état d'esprit des adolescents en perdition. On est pris à la gorge par ce mal-être qui nous saute au visage et amène une réflexion sur ces êtres de papier mais aussi un peu sur nous-même, quelques flashback m'ont assailli d'ailleurs pendant cette lecture. Le malaise est vraiment palpable par moment malheureusement cette impression ne dure pas et un certain nombre de textes tombent du coup un peu à plat.

 

C'est le principal défaut de cet ouvrage et il est de taille. La situation de départ est très souvent intrigante mais soit le récit tourne en eau de boudin ou alors le personnage prend une trajectoire étrange voir déplaisante, illogique et non justifiée selon moi. On n'échappe pas non plus parfois aux clichés et certaines histoires m'ont semblé bien légères pour mériter d'être publiée comme si elles n'avaient pas vraiment été achevées. La caractérisation n'est pas exempt de défaut (elle est parfois vraiment limitée au strict minimum et elle ne m'a pas suffi alors) et empêche parfois de s'accrocher au récit. D'ailleurs après trois nouvelles j'étais vraiment dubitatif et un peu déçu tant j'apprécie ce genre de recueil.

 

Heureusement, Hugh Sheehy a un style incisif qui incite à poursuivre la lecture de son oeuvre malgré tout et quelques nouvelles sont de véritables pépites de noirceur et d'humanité. Il a réussi à me raccrocher et finalement, au moment de se forger un avis définitif, je dirais que c'est un recueil plutôt réussi mais dont la qualité est globalement irrégulière avec des nouvelles vraiment dispensables et d'autres carrément poignantes. À chacun, je pense de se faire sa propre idée...

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