Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Capharnaüm Éclairé
5 avril 2016

"Une ordure" de Irvine Welsh

001

L'histoire : Les fêtes de fin d'année s'approchent. Bruce Robertson, brigadier de police à Édimbourg, pense à la semaine – stupre et stupéfiants – qu'il s'est organisée à Amsterdam. Un programme de rêve que viennent contrarier quelques imprévus : le départ de son épouse et de leur fille, une pénible accoutumance à la cocaïne, une dégradation spectaculaire de son état général, une cascade de liaisons extra-conjugales de plus en plus prenantes… Tout en s'enfonçant dans l'ignominie, ce flic obstiné doit faire face à un adversaire – la voix de la vérité et de la conscience éthique -, surgit de l'endroit le plus inattendu qui soit : son propre organisme.

La critique de Mr K : Irvine Welsh est un auteur culte outre-manche et même plus! Il a écrit notamment Trainspotting et Ecstasy, bombes littéraires des années 90 qui ont fait couler beaucoup d'encre à l'époque. Ayant goûté et apprécié ces matériaux, c'est avec une joie non feinte que je tombai par hasard sur ce volume que je ne connaissais pas du tout. La quatrième de couverture acheva immédiatement de me convaincre avec notamment la promesse d'atteinte aux bonnes mœurs littéraires et l'attaque systématique à toutes les valeurs en cours chez nos voisins anglais. Âmes sensibles et pudibondes passez votre chemin au risque d'y laisser des plumes!

Bruce Robertson est vraiment une ordure, le mot paraît même presque faible à la vue de ses paroles et actes durant les 4/5ème du livre! Raciste, homophobe, misogyne, vulgaire, crade, toxico, érotomane, il a tout pour plaire. Depuis peu sa femme l'a quitté (on se demande bien pourquoi…) et il enquête sur le meurtre sauvage d'un jeune noir, ce qui lui passe bien au dessus. Déjà en tant que minorité il a eu ce qu'il méritait selon lui et surtout, sa traditionnelle sortie de fin d'année aux Pays-Bas occupe tout son esprit: filles de mauvaise vie, drogues à gogo, tout un programme qu'il ne raterait pour rien au monde. Nous suivons donc ses journées entre son travail et ses heures de libre, son fameux séjour en Hollande (qui vaut son pesant d'or dans le genre), les réflexions d'une mystérieuse entité interne à son corps (oui oui, je sais c'est bizarre mais tout est expliqué dans le livre) et même à l'occasion de quelques chapitres les pensées de Carole, la femme de cet affreux bonhomme.

Le mot anti-héros n'a jamais aussi bien convenu à un personnage de roman. Dans le genre, j'avais beaucoup apprécié Versus d'Antoine Chainas au héros presque similaire mais encore en dessous de Bruce Robertson. Détestable à souhait, il passe son temps à râler sur tout le monde, à lâcher ignominie sur ignominie et ceci en toute impunité. Il faut dire qu'il est du côté de la loi et cela lui laisse les coudées franches. Non content de pester, il se réjouit du malheur des autres et aucune barrière morale ne le retient pour arriver à ses fins notamment dans sa putative promotion qu'il va essayer d'arracher au détriment de ses soit-disant collègues et amis. Il va leur jouer des tours à sa façon, n'hésitant pas à mettre en péril leur carrière et même leur santé mentale! Personnage repoussoir par excellence, rien ne laisse présager pour autant ce qui va se dérouler en fin de volume car tel l'arroseur arrosé, Bruce va sentir le vent du boulet et croyez-moi ça va faire mal!

Rien ne nous est épargné de ses pensées et de ses actes qui s’amoncellent comme des détritus et dégoûtent profondément le lecteur fasciné par tant de méchanceté concentrée en un seul être. Il faut du courage je l'avoue pour poursuivre sa lecture tant les mots, les pensées et les actes du brigadier Robertson heurtent et choquent toute personne normalement constituée. Son mépris des femmes et sa façon de les traiter (dans le privé et dans le boulot), son racisme et sa bêtise crasse, la violence qui émane de lui (le passage avec un jeune camé est tout bonnement terrifiant) le rendent antipathique et finalement inhumain. On flirte constamment avec les limites et il faut s'accrocher pour tenir face à de telles exactions (sans compter les multiples trips aux paradis artificiels qu'il se tape et qui sont remarquablement décrits). Surtout que le bestiaux est retors et rusé, il cache son jeu devant ses supérieurs et ses amis, ce qui le rend en plus très calculateur, intelligent et rusé mais dans le mauvais sens du terme (la mise en scène du harcèlement téléphonique d'un de ses collègues est un modèle de cynisme). J'ai adoré le détester, rarement mes poils se sont tant hérissés lors d'une lecture. Mais comme je suis un amateur de sensations fortes, inutile de vous dire que j'ai été servi ici!

Si on connaît bien l'auteur, on ne peut s'arrêter au premier jugement qui ne peut que venir à l'esprit: C'est quoi ce livre? Quelle gratuité dans l'escalade de la violence physique et morale! Mais où veut-il en venir? Quelle finalité? Je vous laisse la découvrir, elle tarde certes à venir mais elle finit par se révéler et c'est LA grosse claque. La roue tourne, les explications arrivent, Bruce est révélé au lecteur qui même s'il ne lui pardonne en rien son attitude et son comportement commence à comprendre le fonctionnement de cette bête humaine et surtout le grand secret qu'il cache (je l'avais deviné pour ma part à la moitié du livre). La fin est tétanisante et logique, elle laisse le lecteur complètement abasourdi et pantelant. Un grand moment.

Que dire du style? On adhère ou pas, pour ma part j'ai adoré. Mais attention le style est frontal, vulgaire et sans fioriture. Tout le monde n'arrivera pas à surmonter sa répulsion et pourtant, quel dommage! La caractérisation des personnages est tout bonnement géniale (on est loin de la caricature que pourrait laisser apercevoir la quatrième de couverture), le récit mouvementé et le sous-texte intéressant car très critique envers le puritanisme britannique et les bonnes mœurs que l'on affecte hypocritement. Une superbe lecture thrash qui laissera des traces. À lire si vous avez le cœur bien accroché!

Publicité
Publicité
Commentaires
B
J'avais commencé ce livre il y a pas mal d'années (bon moins de 10 mais entre 7 et 10) et justement j'avais abandonné assez vite car je ne supportais pas le narrateur. D'ordinaire, j'aime les anti-héros mais il me faut quand même quelque chose pour me raccrocher et là, il n'y avait rien. <br /> <br /> Mais j'avais bien aimé Transpotting par contre. ^^
Répondre
Publicité
Suivez-moi
Archives
Publicité