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Le Capharnaüm Éclairé
31 mars 2016

"Kafka à Paris" de Xavier Mauméjean

Kafka à Paris

L'histoire : Septembre 1911, Franz Kafka et Max Brod débarquent à Paris. Les deux jeunes écrivains, encore débutants, laissent derrière eux leurs fastidieux emplois de bureau, sans compter, pour Franz, une famille étouffante. Voilà ce que l'on sait de source sûre. Autrement dit : rien, concernant ce qui leur advint dans la capitale. Heureusement, Xavier Mauméjean, la plume alerte, poursuit leur voyage. Voici nos deux praguois découvrant la gouaille des prostituées, les cabocheurs des Halles, les labyrinthes du Bon Marché, les coulisses du métro, les cabarets louches, le ratodrome de Neuilly... Ils croisent même un certain Apollinaire suspecté d'avoir volé la Joconde. Franz et Max prennent la vie à bras le corps, souvent pour rire, parfois en mourant de peur ou roués de coups. Mais l'époque est belle.

La critique de Mr K : Je me suis enfin décidé à sortir ce belle ouvrage de ma PAL. Je l'avais acquis aux Utopiales 2015 pour dédicace auprès de l'auteur que nous apprécions tout particulièrement au Capharnaüm Éclairé pour son humanité et sa jovialité communicative. Dernier ouvrage qu'il ait écrit, Kafka à Paris est un étrange mélange d'aventure picaresque et de panorama historique de la capitale avant guerre. Un petit bijou qui fait son effet comme vous allez pouvoir le lire.

On en sait beaucoup sur la vie de Kafka, bien des choses ont été dites et son existence a été passée au peigne fin par nombre d'observateurs et de critiques. C'est un passage plus secret de sa jeunesse qui a intéressé Xavier Mauméjean, en l’occurrence un voyage entrepris à Paris en compagnie de son meilleur ami Max Brod. L'histoire n'a rien retenu de ce séjour mais cela n'arrête pas l'auteur qui rappelle dans une postface savoureuse les mots que lui a tenu un certain Christopher Priest (Oh My god!) devant une choucroute partagée à gare du Nord: Un romancier n'est pas un historien. Il a le droit de s'écarter des faits si cela lui permet de découvrir le livre qui doit être écrit. Partant de ce postulat, commence le récit d'un voyage fantasmé mais néanmoins superbement documenté sur le Paris de l'époque.

Après quelques courts chapitres sur les préparatifs du voyage dont quelques uns édifiants sur la famille de Kafka et les rapports qu'ils entretiennent entre eux (je garde un souvenir charmé de sa jeune sœur notamment, jeune fille au caractère bien trempé), c'est l'arrivée dans la capitale. Ce bref séjour d'une dizaine de jours est l'occasion de découvrir la ville lumière entre splendeur et décadence. Les grands boulevards, le Louvre, le Bon Marché sont autant de lieux mythiques qui émerveillent nos deux héros entre beauté, agitation parisienne et ingéniosité des hommes. Et puis, il y a le côté face avec ces cabarets sauvages et bordels, lieux interlopes où l'on croise de drôles de zigs et des habitués hauts en couleur, les fins fonds du métropolitain avec le peuple des rats, le ratodrome en lui même est une curiosité d'une époque désormais révolue (on oscille entre la surprise et le dégoût dans ce passage).

Au milieu de ce carillon de lieux et des sensations qui les accompagnent, le lecteur s'attache beaucoup aux deux jeunes gens liés par une amitié profonde que n'épargnent pas pour autant les désaccords. Il traversent les épreuves avec un certain optimisme doublé d'une curiosité qui va les emmener loin dans les tréfonds de Paris. Les personnages secondaires ne sont pas en reste avec toute une galerie de rencontres plus étonnantes les unes que les autres: des prostituées au verbe haut plus vraies que nature (vous admirez au passage le catalogue des prestations proposées par l'établissement où vont les deux amis), un Apollinaire comme on se l'imagine quand on le lit, un commissaire taciturne aux méthodes expéditives, un chargé de rayon obsessionnel, un ancien des colonies complètement barré qui va entraîner Franz et Max dans des aventures rocambolesques. On alterne les chapitres courts (jamais plus de dix pages) qui portent souvent le nom des lieux traversés, le voyage est donc haletant et immersif à souhait.

Pari réussi pour Mauméjean avec un livre vraiment jubilatoire. On plonge littéralement dans l'époque et ses talents d'écriture explosent une fois de plus, langue virevoltante et gouleyante à souhait qui donne vie comme jamais à un voyage hors du commun qui nous fait redécouvrir une ville incroyable, une époque fascinante et un écrivain encore en devenir. Encore un carton plein pour notre chouchou, merci Xavier!

Lus, appréciés et chroniqués du même auteur au Capharnaüm Éclairé :
- Lilliputia
- American gothic
- Ganesha
- Poids mort

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