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Le Capharnaüm Éclairé
29 janvier 2016

"Un Autre que moi" de Véronique Olmi

9782226323910g

L'histoire : Se retrouver face à un homme de quatre-vingts ans qui prétend être lui-même : c'est l'étrange expérience que fait Fred le soir de ses quarante ans. Peut-on modifier le cours du temps ? Qui y perdrait, et à quel prix ?

La critique de Mr K : Lecture d'un texte théâtral aujourd'hui avec cette pièce, Un Autre que moi, de Véronique Olmi, dramaturge appréciée et jouée dans plusieurs pays. Je ne suis pas forcément un aficionados du genre en mode lecture, préférant voir ces textes joués et interprétés. Force est de constater qu'il n'en a rien été ici avec une lecture rapide, divertissante, émouvante et source de réflexion sur notre vision de la vie et du temps qui passe.

Fred s'est isolé dans une chambre d’hôtel minable en proche banlieue le jour de ses quarante ans. Pourquoi? Parce qu'il a un coup de spleen bien évidemment! La légendaire crise de la quarantaine couve et l'idée de se réunir pour l'occasion en famille et avec les amis ne le motive pas, mais alors pas du tout! Il a donc décidé de rester seul dans sa chambre malgré les récriminations de sa femme Laura et du futur conseil de famille qui en découlerait et qu'il redoute encore plus. C'est dans cet état de confusion qu'il s'interroge sur lui et son avenir, notamment en terme de santé et de pouvoir de séduction…

C'est alors que rentre en scène Frédéric, c'est-à-dire lui même mais à 80 ans. L'étonnement cède vite la place à la méfiance puis la révélation. Tour à tour, Fred soupçonne Frédéric d'être un agent / espion à la solde de sa femme pour le forcer à rentrer à la maison pour fêter le dit anniversaire, un imposteur venu le tourmenter… Mais il doit assez vite se rendre à l’évidence, cet homme en sait beaucoup trop sur lui, s'ensuit une discussion à bâton rompu qui va permettre à chacun de dire ce qu'il pense de lui, évoquer le passé commun mais aussi le futur qu'il reste à vivre pour l'autre. Cela donne lieu à des dialogues enlevés où chacun n'hésite pas à lancer quelques scuds bien sentis à l'autre, je vous livre un court passage fort séduisant en la matière:

FRED: Il y en a qui voient surgir des strip-teaseuses de leur gâteau d'anniversaire… Et moi: un vieux bipolaire incontrôlable. C'est vraiment la fête…

FREDERIC: Tandis que moi, passer mes quatre-vingts ans dans une piaule minable avec un déprimé alcoolique, c'est l'apothéose!

Page 76

Mais derrière ces répliques acides, les révélations surprenantes, on entr'aperçoit un fond beaucoup plus sérieux et existentialiste. Jusqu'à quel point peut-on maîtriser sa vie? Et si l'on fait des erreurs, peut-on se le reprocher? N'y aurait-il pas moyen d'agir autrement? Le destin existe-t-il? Peut-on le modifier? Autant de questions qui se densifient en filigrane du dialogue principal qui éclaire peu à peu les zones d'ombre des personnages concernant leur mariage mais aussi leur passé plus ancien et notamment le rapport intime qu'il entretenait avec leur grand-père. Ce passage est extrêmement touchant et agira comme un révélateur sur Fred.

Plus trivialement, on explore aussi le rapport des hommes à la séduction et aux femmes qui sont omniprésentes dans ce texte malgré l'absence de personnages féminins en chair et en os. L'amour est donc omniprésent avec ses bienfaits mais aussi ses dérives: l'épouse castratrice ou du moins dominatrice qui dirige la vie de Fred seulement parce qu'il le veut bien, l'éveil à l'amour sincère et simple plus tard pour Frédéric… autant de facettes d'une vie disséquée au scalpel par une auteure avare en mots mais qui touche juste à chaque réplique. D'ailleurs le livre en lui-même est plutôt court (137 pages) et il se lit en moins d'une heure avec un plaisir renouvelé à chaque page. L'écriture très contemporaine y est pour beaucoup, familiarités et bons mots s’enchaînent sans discontinuer et accrochent définitivement le lecteur désirant connaître le fin mot de l'histoire. Un petit plaisir qu'il serait donc dommage de bouder.

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