"Gandahar" de Jean-Pierre Andrevon
L'histoire : Au royaume de Gandahar, sur la planète Tridan jadis colonisée par des êtres humains, une vie sereine et pacifique s'est établie, loin de la technologie et de ses instruments de mort. Mais voici que les oiseaux-miroirs, qui veillent aux limites de Gandahar, annoncent qu'une armée de robots destructeurs est en marche, menaçant l'existence même du royaume. Ces hommes-machines invincibles viennent-ils de Tridan, de l'espace, ou bien d'une autre époque ? La Reine Ambisextra confie à un jeune servant, Sylvin Lanvère, la mission de le découvrir pour tenter de sauver Gandahar de ce péril mortel.
La critique de Mr K : Aujourd'hui un sacré trip revival avec Gandahar de Jean-Pierre Andrevon paru en 1969 (bien avant ma naissance), un auteur que j'apprécie tout particulièrement. Plus jeune, j'ai regardé à de multiples reprises le film d'animation éponyme de René Laloux qui exerçait sur moi un fort pouvoir de fascination. Gandahar m'a en quelque sorte initié à la SF dès mon plus jeune âge (vu pour la première fois à 9 ans si je ne m'abuse) et la découverte impromptue de cet ouvrage dans un bac à chinage m'a empli de nostalgie. C'est avec une impatience non feinte que j'entamai ma lecture.
Gandahar est un monde pacifique où la guerre n'a plus le droit de cité. L'ensemble des habitants vivent en bonne intelligence y compris avec la faune et la flore. Monde harmonieux où règne respect et osmose inter-espèces, le temps coule tranquillement. Une menace pourtant va fragiliser ce monde utopique: de mystérieux hommes-machines font leur apparition aux confins du royaume et avancent vers la capitale Jasper en ravageant tout sur leur passage, tuant tout être vivant s'opposant à eux. Complètement désarmée face à une situation si inhabituelle, la reine Ambisextra fait appel à Sylvin Lanvère chevalier du royaume pour enquêter et tenter de trouver une parade à cette invasion venue d'ailleurs...
J'adore le film et j'ai beaucoup aimé ce livre qui s'apparente avant tout à un conte SF, un texte lourd de sens et de sous-entendus dont la lecture conviendra à tout âge tant les grilles de lectures sont nombreuses, chacun pouvant en retirer quelque chose.
Les plus jeunes se verront conter une quête héroïque, une lutte pour la survie d'un monde déclinant avec le personnage central Sylvin, chevalier new age (il est bien perché le bonhomme tout de même!) auquel on s'attache immédiatement. Les rencontres et rebondissements sont nombreux donnant un dynamisme fort au livre qui se lit très vite. Certes, le héros est un peu mièvre et pétri de bons sentiments, rappelons-nous qu'au moment de l'écriture de ce livre, nous sommes à l'aube des 70', la vague beatnik est déjà là et par certains aspects, on pense un peu à Kerouac quand on suit les pérégrinations de Sylvin.
Au delà de la quête en elle-même, les plus grands auront matière à s'interroger sur nombre de sujets qui nous touchent au quotidien et qui, à Gandahar, bouleversent complètement l'ordre du monde: la différence entre besoin et désir (ce dernier accouchant notamment du matérialisme et la dégradation de notre écosystème planétaire), l'immédiateté et la perdurance (culture et nature pour les fans de philo), la querelle des anciens et des modernes… La symbolique est forte dans cet ouvrage, elle est source d'émotion et de réflexion. Comment ne pas faire le parallèle entre la disparition programmée de Gandahar et les propres maux que nous connaissons actuellement entre réchauffement climatique et course en avant sans âme en matière technologique? Pas de réponses dans ce livre mais des pistes de raisonnement fort intéressantes, mâtinées d'évasion et d'aventure.
Pas le temps de s’appesantir dans ce livre, Andrevon va à l'essentiel. À travers de courtes mais remarquables descriptions, il plante le décor de son roman. Malgré cette avarice de mot en la matière, le background est très poussé et évocateur comme jamais: paysages, us et coutumes des gandahariens, les envahisseurs et leurs outils / transports… On est plongé ici dans un univers mêlant habilement fantasy et science-fiction, ce qui donne à ce livre un charme bien particulier. En tous les cas, si vous tentez l'aventure, vous serez dépaysés et parfois étonnés par la logique qui gouverne ce monde imaginaire à nul autre pareil. La lecture est aisée et très agréable, les pages se tournent toutes seules et on est très vite addict.
Au final, on peut dire que Gandahar est un classique du genre, inhabituellement enrichi par des références multiples et habilement mêlées de notre propre monde ce qui lui donne un aspect prophétique indéniable. Une grande et belle expérience littéraire que je vous conseille d'entreprendre à votre tour au plus vite.
Egalement lus et chroniqués du même auteur au Capharnaüm éclairé :
- Un horizon de cendres
- Tout à la main
- Le monde enfin
- La Fée et le géomètre
- Le Travail du furet
- Cauchemar... cauchemars !