L'histoire : A l'école, on l'appelle l'Anéanti. Pas seulement parce qu'il collectionne les zéros : sa maison, à l'écart du village, est menacée d'être engloutie par une falaise qui s'effrite peu à peu. Et alors que tous : autorités, voisins, famille, conseillent à ses parents de déménager le plus rapidement possible, ils s'accrochent à leur chez-eux. La mère surtout, qui ne se soucie guère de rassurer son fils et distribue les claques plus facilement que les câlins. C'est dehors que le jeune garçon trouve de l'affection et des raisons d'aimer la vie : en s'occupant des animaux de la ferme de pépé et mémé, en rêvant à la grande sœur de son ami Paulo, en faisant de la balançoire sur le cerisier planté au bord du gouffre…
La critique de Mr K : Hasard de chinage rime souvent avec bonne surprise, ceux qui nous suivent régulièrement s'en rendent régulièrement compte entre amusement et parfois hantise: Mais comment vont-ils faire pour pouvoir enfin faire baisser leur PAL! Grosse grosse claque littéraire aujourd'hui avec ce petit ouvrage qui remue beaucoup et s'amuse à jouer avec notre ressenti et nos sentiments! Préparez-vous à 173 pages de montagnes russes dans l'univers si prenant et fascinant de Claudie Gallay qui m'avait déjà régalé avec le très connu et apprécié Les Déferlantes.
Tout est dit dans la quatrième de couverture: la situation est tendue pour ce jeune garçon de 11 ans, la maison menace de s'écrouler, ça ne se passe pas très bien à l'école et à la maison. Père absent, maman à la main leste enfermée dans ses certitudes et là, en plein milieu, comme un chien au milieu d'un jeu de quille, L'Anéanti. Dur dur de grandir, de faire sa place dans un milieu dur et hostile. Heureusement, il y a des parenthèses enchantées qui font tenir et progresser: les séjours bucoliques chez les grands parents, les après-midi chez le meilleur ami dont la sœur possède un charme certain et les moments de réflexion au bord de la falaise qui avale peu à peu l'espace du jardin, bientôt la maison.
Les Années cerises s'apparente à une véritable course contre la montre, contre la vie trop dure qui empêche notre héros d'être serein. La tension est lourde dès le départ au rythme des mauvais moments à l'école et les remontrances de la mère. Une mélancolie intense et durable se dégage de cette histoire triste et brutale malgré quelques échappatoires momentanées. Véritable éponge à émotion quand je suis pris dans ma lecture, je me suis enfoncé au plus profond de moi durant cet ouvrage et je l'ai vécu à 100%. Impossible de ne pas continuer, de ne pas suivre le parcours chaotique de cet écorché de la vie très jeune et déjà en danger.
L'histoire, c'est lui qui la raconte et l'on partage tous ses espoirs et ses doutes. Le langage enfantin et dépouillé de toute forme stylistique rendent l'immersion totale. Loin de se cantonner dans l'exercice de style, Claudie Gallay nous invite à véritablement vivre l'expérience de ce môme perdu et l'on se rappelle, au détour de certaines pages et même parfois de certaines formulations, des expériences antérieures que l'on a pu vivre / ressentir et dont nous avions enfoui le souvenir. Étrange expérience entre évasion et réminiscences qui reste longtemps gravé dans le cœur et dans l'esprit. Ce livre m'a touché énormément à ce niveau là.
On se prend très vite d'amitié pour notre héros qui ne peut laisser insensible, les grands parents vieillissants très attachés à leur petit fils, le tonton sympa et concerné, la sœur de Paulo ("rêve éveillé") d'une douceur extrême et qui va se révéler être un phare, un repère pour le jeune garçon qui en tombe amoureux comme seul peut s'éprendre un gamin de cet âge là, entre fascination et innocence la plus pure, sans jalousie et d'une poésie à fleur de page comme sait si bien livrer l'auteure qui se surpasse une fois de plus.
On ressort donc tout chamboulé de ce roman qui accumule les scènes fortes, les confrontations d'un jeune face au monde des adultes et les espoirs tout azimut. C'est frais sans être mélo, pas de pathos, une sensibilité brute de décoffrage traduite par une écriture épurée qui frappe fort et juste. Un livre à lire absolument!