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Le Capharnaüm Éclairé
17 octobre 2015

"La Face des eaux" de Robert Silverberg

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L'histoire: Hydros est une planète-océan où vivent en bonne intelligence les Gillies, premiers habitants de ce monde, et quelques humains, sur des îles flottantes construites par les Gillies. Mais lorsque l'armateur Delagard commet l'irréparable, les Gillies décident de chasser les humains. Où fuir ? L'espace est inaccessible. Il ne reste à Lawler, le médecin, et à ses compagnons qu'à se confier à l'océan, sur les vaisseaux de Delagard, en espérant rejoindre le continent mythique nommé la Face des eaux, de l'autre côté du monde. S'il existe...

La Critique de Mr K: Un "petit" Silverberg de 509 pages à mon actif aujourd'hui avec La Face des eaux dégoté à petit prix lors d'un chinage de plus. Retour sur une lecture enthousiasmante au possible d'un auteur que j'affectionne tout particulièrement.

L'humanité a essaimé dans l'univers suite à la destruction de sa planète-berceau. Parmi ces mondes nouveaux qui les accueillent bon gré mal gré, il y a Hydros. Largués sans espoir de retour sur ce monde constitué uniquement d'eau, les humains vivent sur des îles artificielles construites par les indigènes locaux: les mystérieux et stoïques Gillies. Ils doivent tout réinventer car la technologie est quasiment inexistante chez ces peuplades paisibles qu'il ne faut pas pour autant aller chatouiller de trop près. La cohabitation se passe cependant sans heurt. C'est sans compter l'avarice et l'ambition propre à notre espèce, personnalisée ici par l'armateur Delagard qui va briser un tabou tacite et provoquer l'exode de toute une communauté humaine insulaire (plusieurs îles coexistent et seule une se voit condamner à partir en exil). Un mois de préparatifs leur est alloué et c'est le grand saut vers l'inconnu, un continent mythique nommé Face des eaux dont les indigènes se sont toujours méfiés et sur lequel circulent les rumeurs les plus folles. Le voyage s'annonce long et pénible…

On peut diviser le présent ouvrage en deux parties. La première nous présente la communauté humaine de Sorve dans sa diversité et son fonctionnement. On retrouve tout le talent de Silverberg pour caractériser ses personnages avec finesse et intelligence. Il dément par là même les avis trop nombreux qui qualifient parfois la SF de genre froid et impersonnel. La SF se fait ici légère et discrète au profit d'existences bien réglées qui vont se voir bousculer par l'incurie de certains. On suit l'action par les yeux de Lawler, médecin officiel de l'ilôt qui nous raconte son île à travers ses souvenirs et ses efforts pour réparer les corps et parfois, les âmes. Le personnage est très attachant car loin des clichés, profondément humain avec ses fêlures et ses aspirations. L'existence est difficile dans ce monde désolé baigné par l'eau à la fois paisible et menaçant, et chacun a sa place, rouage parmi un ensemble qui ne peut fonctionner que par l'imbrication de chacun et des ses aptitudes. Très vite, cet équilibre fragile disparaît pour céder la place à l'inconnu avec la nécessité de partir.

Le voyage commence et l'on se retrouve pleinement dans une œuvre lorgnant vers les romans d'aventures classiques de voyage en mer: la vie à bord avec les tâches routinières, les rapports humains parfois difficiles (crise d'autorité sur le navire, maladie, début de panique...), les accidents de mer, et en plus ici des rencontres étranges avec des créatures vraiment effrayantes. Monstres marins surgis des abysses (on pense à Lovecraft et même à la Bible parfois!), poissons indigènes agressifs, plantes empoisonnées et rampantes sont des adversaires redoutables qu'il va falloir combattre ou contourner. La flottille a fort affaire pour rejoindre le mystérieux continent qui semble se refuser à eux obstinément et agir directement sur leur environnement. Le mystère s'épaissit à l'image des espaces traversés et l'on sent bien que la conclusion du voyage risque d'être amère. On ne se trompe pas avec une fin abrupte mais logique, d'une originalité surprenante (honnêtement, je n'ai pas vu venir le concept) et réussie.

La lecture est immersive à souhait et a fait le bonheur de l'amateur de SF et d'aventure que je suis. Accessible même pour les non initiés, ce roman fait la part belle à l'inconnu, les actes de bravoures et des moments de remise en question plus intimistes. On passe par tous les états et on se demande bien ce qui les attend de l'autre côté de la mer vide. La réponse est cinglante et conclut à merveille une belle expérience littéraire rare et précieuse. Un grand merci à sieur Silverberg qui une fois de plus propose un roman détonant, exaltant et humaniste dans le sens où il propose une belle réflexion sur notre nature profonde. Un must dans le genre!

Déjà chroniqués du même auteur:
- La Guerre du froid
- Le Temps des changements

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