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Le Capharnaüm Éclairé
15 août 2015

"Insupportable" de Giacomo Sartori

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L'histoire: La vie de Thomas est un combat contre le piège de la folie et la cruauté des hommes. Souffre-douleur de son frère Karl, un patron d'auberge prospère, il vit, solitaire et marginal, dans les montagnes rudes du Haut-Adige, où il braconne la biche et le chevreuil. Son amour éperdu pour une belle fille qui le maltraite et le provoque fera basculer son équilibre chancelant. "Les voix qui résonnent dans sa tête" le persuadent qu'il est l'auteur des meurtres en série commis dans la vallée où règne une suspicion écrasante. Mais où est la vérité?

La critique de Mr K: Un roman noir pour aujourd'hui avec Insupportable de Giacomo Sartori dont la quatrième de couverture m'a de suite charmé malgré une histoire chargée de tensions qui n'était pas sans me rappeler Steinbeck, auteur que j'adore. J'allais donc vers cette lecture de 154 pages avec une certaine impatience malgré un saut dans l'inconnu, n'ayant jamais pratiqué cet auteur auparavant.

Le personnage principal est très perturbé. Il vit en solitaire au plus proche de la nature. On comprend très vite qu'il a connu une enfance plutôt difficile entre une mère castratrice préférant nettement son frère aîné Karl qui n'était pas en reste pour le rabaisser et l'asticoter. Thomas est ressorti de cette période amoindri psychiquement (il a déjà fait un séjour en asile psychiatrique) et entend des voix péremptoires dans sa tête qui l'empêchent toujours de s'affirmer et de s'estimer. Totalement borderline, il est fou amoureux d'une femme qu'il n'a de cesse de relancer mais qui ne l'aime pas. C'est alors qu'une série de meurtres d'amoureux est commise dans la région. Tout le monde s'interroge sur l'identité de l'insaisissable tueur, l'étau se ressert autour de Thomas. Mais est-il le criminel tant redouté? Lui-même ne le sait pas…

L'ensemble du roman tient avant tout sur la personnalité de Thomas. Le lecteur est constamment brinquebalé par l'auteur qui multiplie les révélations et les zones d'ombres. Enfermé dans son propre monde, imperméable à l'extérieur, on suit la folie galopante du héros entre deux épisodes plus calmes. Rien ne nous est caché de ses obsessions et de son envie de devenir quelqu'un de normal notamment dans ce désir désespéré de trouver l'amour de sa vie et de se marier. Malgré ces pulsions et son quasi autisme face à ce qui l'entoure, il se débat face à une espèce de fatum, un destin implacable et funeste qui semble le suivre à la trace au rythme de ses désillusions et de ses échecs. Cette tension intérieure est très bien décrite entre actes du quotidien, voix intérieures inquiétantes et délires quasi psychotiques par moment. Thomas malgré son aspect et ses réactions de brute écervelée est surtout un homme en souffrance, noyé par les frustrations et les incompréhensions.

Il n'est pas très aidé par les personnages qui gravitent autour de lui. Son frère et lui devenus adultes ont des relations troubles et malsaines. Leurs rapports de frères restent complexes malgré un Karl assagi avec l'âge: attirance / répulsion, admiration et dégoût alternent de page en page provoquant un malaise conséquent chez le lecteur qui ne sait à quel saint se vouer ni quel personnage apprécier ou détester. Les lignes de forces sont loin d'être définies clairement et nulle place n'est faite au manichéisme primaire dans cette œuvre où chacun a sa part d'ombre. Il en va de même d'ailleurs pour la jeune femme dont est profondément épris Thomas. Tour à tour, elle apparaît comme une hédoniste jouisseuse qui va de bras en bras pour son plaisir personnel ou alors comme une redoutable manipulatrice qui semble se servir de ce grand gaillard simplet. On passe donc par tous les états dans cette lecture qui fait la part belle aux retournement de situations et bouleverse toutes les certitudes que l'on semble avoir bien consolidé juste avant.

Peu à peu, la mécanique infernale se met en place, le récit s'accélère, Thomas s'enfonce. L'écriture transporte le lecteur dans une Italie du nord qui se transforme en enfer pour un héros totalement désemparé, perdu et qui s'approche du gouffre. Le rythme devient haletant dans un style simple et âpre qui ne laisse que peu de place aux moments de calme et de repos saisissant le lecteur à la gorge jusqu'à la révélation finale. On sort bien secoué de cette lecture peu commune et efficace comme rarement. Une vraie petite bombe littéraire que je ne peux que vous conseiller vivement tant elle laisse longtemps après sa lecture une trace indélébile et amère.

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