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Le Capharnaüm Éclairé
16 février 2015

"La Chambre des officiers" de Marc Dugain

dugain

L'histoire: En 1914, tout sourit à Adrien, ingénieur officier. Mais, au début de la guerre, lors d'une reconnaissance sur les bords de la Meuse, un éclat d'obus le défigure. En un instant, il est devenu un monstre, une "gueule cassée".
Adrien ne connaîtra ni l'horreur des tranchées ni la boue, le froid, la peur ou les rats. Transféré au Val-de-Grâce, il rejoint une chambre réservée aux officiers. Une pièce sans miroir où l'on ne se voit que dans le regard des autres. Il y restera cinq ans. Cinq ans entre parenthèses. Cinq ans pour penser à l'avenir, à l'après-guerre, à Clémence qui l'a connu avec son visage d'ange. Cinq ans à nouer des amitiés déterminantes pour le reste de son existence...

La critique de Mr K: Retour au temps de la Grande Guerre avec La chambre des officiers de Marc Dugain trouvé par hasard dans une brocante. Il s'agit d'un premier roman qui a tout de même reçu le Prix des Libraires lors de sa sortie. De très bonne augure, avec en prime un sujet qui me passionne. À noter que je n'ai pas vu l'adaptation faite au cinéma et qui paraît-il est excellente. Si l'occasion se présente, j'y jetterai un œil même si je dois avouer qu'après ma lecture enthousiaste j'ai peur d'être déçu.

Adrien est un jeune de son temps à qui tout réussit. Il est beau, a bon caractère et a reçu une excellente éducation dans son Périgord natal. Il y a d'ailleurs de très belles pages sur ses souvenirs de cueillettes de champignons qui m'ont fait penser aux propres souvenirs de Nelfe qui comme chacun sait est pétrocorienne. Jeune officier, Adrien a terminé ses études d'ingénieur et a trouvé un travail où il exerce ses talents depuis deux mois. Mais le destin cruel va le détourner de cette réussite toute tracée. La guerre éclate et il tombe sous un éclat d'obus sans même avoir vu le moindre soldat allemand. Il est défiguré et va passer cinq années dans un hôpital, opération après opération les médecins vont essayer de lui redonner visage humain. Ce traumatisme va le changer à jamais.

Ce livre est d'une grande sensibilité et d'une grande beauté, c'est encore plus impressionnant quand on sait que c'est le tout premier de son auteur. Cette histoire lui a été inspiré par son grand-père qu'il accompagnait au château des "Gueules cassées", le domaine de Moussy-le-vieux situé à 35km au nord de Paris où les grands mutilés de la face de 14-18 venaient en convalescence entre chacune des multiples interventions chirurgicales qu'ils avaient à subir pour retrouver un semblant de visage. Adrien et l'histoire qu'il a vécu résume à lui seul le cas de ces milliers soldats mutilés qui projetaient à la face du monde l'horreur de la grande boucherie que fut la Première Guerre mondiale.

Ce livre est écrit à la première personne pendant la majeure partie du récit. Seule la dernière partie, plutôt dispensable d'ailleurs car elle raconte ce que sont advenus les différents protagonistes, est écrite à la troisième personne du singulier. Après l'accident, on émerge du noir avec Adrien et on suit ses premières sensations et sa redécouverte de son corps. Au soulagement de vérifier le bon fonctionnement de son corps, suit l'horreur et la nécessaire acceptation de son nouvel état. Il passe par une phase de dépression mais grâce à la chaleur de l'amitié naissante avec Weil, Penanster et Marguerite, il va dépasser cet état et essayer de réapprendre à vivre.

On alterne alors petites joies du quotidien, soutien mutuel, une première sortie ratée, des opérations douloureuses et pas forcément concluantes, la redécouverte de l'amour charnel, les petits plaisirs de la vie comme boire ou fumer... autant de petites étapes dans la reconstruction de l'individu. Car ces quatre là refusent de se laisser mourir et de céder au désarroi, ils veulent vivre et continuer d'exister. Et pourtant, ils auraient dix fois plus de raisons que n'importe qui de s'arrêter, de mettre fin à leur jour (on assiste à quelques suicides dans le livre)... Le ton est à la fois pesant mais optimiste. Le mélange est détonnant et rafraîchissant.

Très bien écrit, le style est simple et accessible. Il est à la portée de tous et porte un message universel, profondément humaniste qui contraste avec la douleur et l'atrocité du background. Très beau roman donc à mettre aux côtés des excellents Au revoir là-haut et Les Croix de bois. Allez-y, vous ne le regretterez pas!

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Commentaires
S
Ce livre me tente beaucoup, il a l'air très poignant !
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