L'histoire: De mémoire de météorologue, on n'avait jamais vu ça: une piscine qui se transforme en patinoire, de l'eau qui gèle à peine sortie du robinet, une rampe d'escalier si froide que ceux qui la touchent s'y retrouvent collés... tout ça en plein été, et en Californie!
Jim Rooks, qui a dans sa classe un élève dont le père revient justement du Pôle Nord, se demande s'il n'y aurait pas un lien entre tous ces événements et cette légende inuit qui raconte que les explorateurs perdus dans les étendues désolées de l'Arctique voient venir à eux un vieil homme qui leur propose de les sauver en échange ce ce qu'ils ont de plus précieux. Afin de comprendre pourquoi cette entité a entrepris un si long voyage, Jim devra se rendre en Alaska, dans une drôle de maison que seuls ceux qui ont frôlé la mort peuvent voir...
La critique de Mr K: Masterton fait partie de mes petites faiblesses littéraires, des coups de cœur que je ne m'explique pas mais qui me comble de joie après chaque lecture. J'ai lu nombre de ses ouvrages dont Le portrait du mal chroniqué ici. Auteur de thriller-épouvante à la renommée certaine (et pour moi méritée), il se distingue par son talent de conteur d'histoires délicieusement horribles qui tiennent ses lecteurs en haleine jusqu'à la dernière page et je n'ai jamais été déçu par lui jusqu'ici. Le présent volume me tendait ses petits bras dans un bac de l'abbé, inutile de vous dire que le débat intérieur entre raison et pulsion a tourné court...
Le personnage principal, Jim Cook, est un jeune professeur dynamique et passionné s'occupant de jeunes en grande difficulté. Enseignant l'anglais, il refuse de cantonner ses élèves à des textes puériles et enfantins, il se fait l'apôtre de la nécessité de leur apporter les éléments de la culture classique en leur proposant des textes à priori inabordables pour eux. Cela donne lieu à des scènes ubuesques et assez réussies dans la description de ce que peuvent être les rapports profs-élèves en milieu difficile. Rien qu'avec cela, j'étais emballé. Surtout que l'histoire débute avec un Jim à la gueule de bois carabinée qui arrive en retard à son cours et demande à ses ouailles de le décrire de manière poétique (il y a matière!). Très vite, on vire tout de même dans le fantastique pur avec d'étranges manifestations surnaturelles qui se produisent au sein de l'établissement, des phénomènes physiques inexplicables et inexpliqués qui mettent très vite en danger l'intégrité physique des adolescents que le jeune professeur a sous sa garde. Adepte des sciences occultes et médium à ses heures perdues, il s'attèle à enquêter pour faire cesser tout cela avec la complicité d'une chatte énigmatique et d'un aventurier des temps modernes sur le retour.
La première partie du livre est vraiment réussie. On s'attache vite aux personnages, particulièrement en ce jeune professeur idéaliste qui lutte contre un système injuste et inégalitaire qui a tendance à laisser sur la touche les plus fragiles. La dimension sociale est vraiment intéressante et permet de livrer des personnages riches et des questionnements plus généraux. La distillation du fantastique par petites touches et la montée d'adrénaline qui l'accompagne sont remarquablement maîtrisées et les pages s'enchainent avec bonheur. L'écriture est toujours aussi accessible et évocatrice. Bref, on accroche et on veut en savoir bien plus sur cette mystérieuse présence qui pourrit la vie de ce lycée moyen d'Amérique, une espèce d'esprit vengeur capable de geler instantanément tout matériaux et qui sème mutilations et morts sur son passage (ben oui, c'est du Masterton tout de même!).
Mais voilà, pour la première fois avec une œuvre de Masterton le bât finit par blesser! La finesse laisse place à la caricature avec des forces adverses puérilement décrites notamment le docteur Friendly qui est trop désagréable pour être crédible et un Jim Rook qui part en roue libre totale, laissant le réalisme derrière lui et nous livrant un défenseur de la veuve et l'orphelin grossier et repoussoir (il ne lui manque plus que les collants et la cape...). On n'y croit plus, du moins beaucoup moins qu'en la force maléfique venue du fin fond de l'Alaska pour récupérer son lot d'âmes. Un comble tout de même! Vraiment dommage car l'aspect mythologie du Nord est très bien géré, novateur aussi car on a peu l'habitude de lire à propos des légendes inuits. La fin est elle classique avec une victoire finale qui arrive comme un cheveu sur la soupe comme si Masterton avait torché son récit en trente pages, laissant un amer goût de déception sur le palais du fan que je suis. Sans compter une ultime volte-face du héros qui ne tient décidément pas la route et qui rentre en complète contradiction avec tous les idéaux prônés jusqu'ici. Bâclage, avez-vous dit bâclage?
Belle déception donc malgré une lecture record en terme de temps, les regrets sont d'autant plus grands. Masterton se laisse aller à la facilité et au gore gratuit dans une œuvre qui démarrait plutôt bien mais qui sombre dans le médiocre sans jamais retrouver les forces qui m'ont fait aimer cet auteur. Vraiment dommage!