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Le Capharnaüm Éclairé
13 janvier 2014

"En un monde parfait" de Laura Kasischke

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L'histoire: Jiselle, la trentaine et toujours célibataire, croit vivre un véritable conte de fées lorsque Mark dorn, un superbe pilote, veuf et père de famille de trois enfants, la demande en mariage. Sa proposition paraît tellement inespérée qu'elle accepte aussitôt, abandonnant sa vie d'hôtesse de l'air pour celle, plus paisible, croit-elle, de femme au foyer. C'est compter sans les absences répétées de Mark, les perpétuelles récriminations des enfants et la mystérieuse épidémie qui frappe les États-Unis, leur donnant des allures de pays en guerre.
L'existence de Jiselle prend alors un tour dramatique...

La critique de Mr K: Nouvelle incursion dans le petit monde de Laura Kasischke. Auteur que nous chérissons à deux désormais, depuis que Nelfe a lu et dévoré Esprit d'hiver et que j'ai ouvert la voie, il y a quelques mois avec le très réussi A Suspicious river. Sous les conseils de Cachou, je viens de terminer En un monde parfait. L'auteur y change encore de genre avec ici un récit oscillant entre le drame intimiste et l'anticipation pessimiste. Force est de constater qu'une fois de plus, on se trouve devant un incontournable et un livre de grande classe!

On suit ici une jeune hôtesse de l'air, Jiselle, qui tombe follement amoureuse d'un beau pilote de ligne, le dénommé Mark Dorn. Derrière ce cliché des plus répandu, on suit la phase de séduction, sous forme de flashbacks où l'on retrouve le rêve éveillé de l'héroïne. Cette passion aboutit très vite au mariage et, par amour, Jiselle devient femme d'intérieur et va faire la connaissance des trois enfants de Mark: deux filles ados et un jeune garçon. Très vite les tensions montent devant l'arrivée d'une usurpatrice que les deux jeunes filles vont traiter avec mépris et insolence. En filigrane, on suit quelques bulletins d'infos et l'on se rend compte qu'une étrange épidémie commence à s'étendre à travers le monde. L'étude de mœurs cède peu à peu à l'anticipation, la rencontre va faire des étincelles pour le plus grand bonheur du lecteur! Chose rare dans le mélange des genres en littérature, Laura Kasischke réussit sur tous les tableaux et signe ici une autre belle réussite littéraire.

Je dois avouer que je me tourne rarement vers le drame intimiste et qu'ici j'ai été cueilli par le tableau qui nous est livré. L'auteur fait montre d'une justesse et d'un talent sans pareil pour décrire les émotions qui émeuvent les êtres humains et les parcours de vie de tout à chacun. Même si je n'ai pas eu d'empathie particulière pour Jiselle (mon Dieu qu'elle est gourde par moment!), la difficulté de construire une famille recomposée est très bien rendue et d'un réalisme sans fard. Les relations ambigües entre les belles filles et "la remplaçante" (rejet puis adoption) sont remarquables de construction et d'intelligence. Le personnage de Mark bien que souvent absent est traité avec maestria car finalement on le voit peu mais on ne peut que comprendre son importance et son impact sur le reste de la cellule familiale. On en est réduit à des hypothèses comme pour les protagonistes de l'histoire. On partage les aspirations, les inquiétudes et les doutes de la famille restée au pays et qui est sans nouvelle du pater-familias. Peu à peu, les révélations pleuvent sur la vraie nature de ce dernier ce qui distille encore plus le sentiment de malaise qui envahit le lecteur de façon progressive.

Sur cette touche excessivement sensible, un drame plus général se joue. Une mystérieuse maladie prend de l'ampleur et à travers l'expérience familiale, transparait des informations plus générales et les comportements humains liés à une menace que l'on n'arrive pas à endiguer. Cela donne lieu à des pages saisissantes sur les pénuries en magasin, les réactions en chaine au niveau international (USA isolés du reste du monde car la maladie vient de là) et l'on suit les réactions des communs des mortels face au péril imminent (les voisins, les amis etc....). Cela donne à ce roman une impression de fin du monde beaucoup plus crédible que dans le commun récit de catastrophe apocalyptique. Point d'effets de style pompeux ou d'effets surjoués, le malheur s'insinue peu à peu dans le quotidien ce qui le rend plus touchant et inquiétant.

On retrouve ici tout le talent de Kasischke qui nous livre une fois de plus une œuvre sensible à la portée universelle, le tout servi par une langue simple d'accès, évocatrice et efficace. Difficile de relâcher ce livre avant d'en avoir terminé avec ce destin au départ anodin mais qui va éclairer petit à petit un lecteur pris en otage devant les enjeux individuels et collectifs.

Une très belle lecture que je ne peux que vous recommander chaudement!

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Commentaires
S
Il faut absolument que je découvre cette auteure !
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P
c'est le seul de l'auteur que j'ai lu pour le moment mais j'envisage sérieusement d'en découvrir d'autres
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C
Très beau billet !!!<br /> <br /> Je suis complètement d'accord avec toi, ce drame familial mène doucement le lecteur vers une dimension beaucoup plus universel magnifiquement servi par l'écriture de l'auteur.
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