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Le Capharnaüm Éclairé
28 août 2013

"Jeune et jolie" de François Ozon

affiche-Jeune-jolie-2013-1L'histoire: Le portrait d’une jeune fille de 17 ans en 4 saisons et 4 chansons.

La critique Nelfesque: "Jeune et jolie" est un film que j'attendais depuis son passage au Festival de Cannes. J'ai aimé la bande annonce, j'ai aimé le thème abordé, j'aime Ozon... Voilà 3 bonnes raisons d'aller voir ce film au cinéma à sa sortie! Et même mieux puisque nous avons pu assister à l'avant-première dès le mardi soir. C'est dire à quel point j'attendais ce film!

Je ne vais pas rentrer dans la polémique qui a depuis envahi le net et les réseaux sociaux à base de "Ozon t'es qu'un gros pervers" et de "c'est dégradant pour notre jeunesse ce genre de film, c'est un scandale", tout d'abord parce que ces remarques émanent souvent de personnes n'ayant pas vu le film et ensuite parce que je suis loin de partager ces avis. Il en faut sans doute plus pour me choquer qu'une paire de nichons de 17 ans sur grand écran et quand c'est fait avec autant de finesse que sous la caméra d'Ozon, non, je maintiens, il n'y a rien de choquant.

Il est effectivement question de prostitution ici mais à mon sens "Jeune et jolie" va au delà de cela, au delà même du simple constat qui consisterait à blamer une jeunesse en perte de repères et où seuls l'apparence et l'argent comptent. Non, ici il n'est pas tant question de cela que du rapport à l'adolescence, au corps et aux changements qui s'opèrent en nous à cette période souvent difficile de nos vies.

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Isabelle n'a pas besoin d'argent. Ses parents ont une bonne situation, elle étudie au lycée Henry IV, fréquente un milieu aisé et a pour amie la jeunesse dorée. Oui mais voilà, Isabelle s'ennuie, elle est désabusée, elle ne sourit pas, elle porte en elle une souffrance dont elle ne connait pas l'origine et qu'elle ne saurait expliquer. Lors de l'été de ses 17 ans, elle va avoir sa première expérience sexuelle avec un jeune touriste allemand et la déception va entrainer chez elle une sorte de refoulement du désir et de l'amour. C'est ça "coucher"!? Un laps de temps où les femmes doivent écarter les cuisses et attendre que ça passe? Sa première expérience n'a pas été violente physiquement, le jeune homme ne l'a pas malmené mais il n'a su susciter en elle que de l'indifférence. Alors elle va prendre le pouvoir sur les hommes, leur désir, les faire payer pour ce qu'elle ne ressent pas. Elle ne se prostitue pas par besoin ni de force, encore moins par vengeance, mais pour l'expérience, comme une expérimentation de laboratoire où elle serait à la fois le chercheur et le rat. C'est là toute la force de ce film.

jeune et jolie 3

D'une beauté froide, la jeune Marine Vacht, tient son rôle à la perfection. Le coeur de son personnage est vide, elle ne laisse rien transparaître sur son visage. Cela en troublera beaucoup mais lorsqu'on est une femme on comprend ses questionnements, ses doutes, ses non-dits. Sans aller jusqu'à l'expérience de la prostitution, je pense que chaque femme s'est un jour posée la question de son rapport au corps et de ce qu'il représente.

Le sujet de "Jeune et jolie" est donc assez lourd et le climax est pesant. Pour dédramatiser l'ensemble et apporter un peu de légèreté à son oeuvre, sans quoi le spectateur serait sans doute ressorti de la salle obscure complètement déprimé, François Ozon insère des dialogues légers, plein de candeur et de tendresse, souvent dans un échange entre Isabelle et son jeune frère. On retrouve le procédé utilisé par Maïwenn dans "Polisse". Autre sujet, autre traitement, mais la même volonté de ménager des zones de décompression pour le spectateur.

C'est aussi un film sur la famille, sur les rapports que l'on peut avoir les uns avec les autres, sur ce que l'on croit connaître, sur les secrets destructeurs, sur la nécessité de communiquer, sur la confiance... La famille dépeinte ici est très juste dans ses rapports et sa façon de fonctionner. Pas mal de parents ressortiront du film en se disant que tout peut arriver, même si en apparence son enfant est bien sous tout rapport et qu'il ne semble pas en errance. Il ne faut pas oublier que l'adolescence est une période ingrate et que chacun s'en sort comme il peut. Dans tous les cas, l'adulte qui en ressort se verra grandi. Ici, un des clients d'Isabelle va faire toute la différence... Parfois l'aide ne vient pas forcément de là où on l'attend. 

Je vous conseille vivement ce film. J'en attendais beaucoup et je ne suis pas déçue. François Ozon nous sert ici un film tout en finesse avec un vrai fond derrière, loin des poncifs et des objets cinématographiques abscons. Un vrai film humain.

JEUNE ET JOLIE 2

La critique de Mr K: 6/6. Une très belle nouvelle claque de la part d'un réalisateur dont j'avais adoré notamment 5X2, 8 femmes ou encore Sous le sable, repassé récemment sur Arte. Nous sommes allés le voir en avant première la semaine dernière, un mardi soir et la salle était comble. Il faut dire qu'Ozon a ses fans indéfectibles mais aussi ses détracteurs. Ce film a lancé une polémique dont je n'ai pris connaissance que le lendemain, je trouve personnellement qu'il n'y a pas matière à se crêper le chignon mais comme les réacs de tout poil et autres biens pensants moralisateurs se font beaucoup entendre ses temps ci, ça ne m'étonne qu'à moitié.

Le film commence sur la plage dans le sud de la France. On suit une famille et notamment leur fille Isabelle, adolescente qui va connaître sa première expérience sexuelle avec un beau teuton séducteur mais peu attentionné. Isabelle en ressortira déçue, frustrée et abîmée. On la retrouve après sa rentrée scolaire dans un des plus grand lycée parisien qui se prostitue. Étrange se dit-on, tant on pense que ce genre de pratique est plutôt le fait d'étudiante désargentées alors qu'elle est issue d'une famille bourgeoise et que sa mère et son beau père ne lui refusent rien. Elle tapine donc mais un secret ne peut rester indéfiniment caché et c'est une onde de choc sans précédent qui va frapper cette famille.

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On retrouve dans ce métrage tout le talent d'Ozon pour caractériser et faire évoluer ses personnages. Le personnage d'Isabelle ne se résume pas à ces activités que la morale réprouve et l'étalage de sa chair n'est pas sa seule raison d'être contrairement à ce que certaines critiques ont pu dire. Je trouve qu'on a davantage affaire à un film sur l'adolescence que sur la prostitution. On retrouve la verve et le côté sans concession d'un Larry Clark mais à la mode française. Alors oui, il y a beaucoup de scènes de nus mais le rapport au corps est primordial dans cet âge crucial qu'est l'adolescence et il est question de la construction ou comme ici de la non-construction de son identité intime. Marine Vacth est incroyable de justesse et joue à merveille la petite fille riche perdue. Pour renforcer le malaise ambiant, Ozon a aussi beaucoup insisté sur les personnages de la mère (Géraldine Pailhas se révèle une fois de plus excellente) et du beau père (Frédéric Pierrot impeccable) et de leur rapports changeants avec Isabelle. On assiste à la lente destruction des liens anciens sans pouvoir intervenir, la charge émotionnelle est forte et le malaise va grandissant. Pour soulager le spectateur du scabreux et du cru, Ozon a rajouté le petit frère d'Isabelle qui lui est aux portes de l'adolescence et se pose beaucoup de questions. Cela donne lieu à des répliques bien senties et drolatiques à souhait. On retrouve aussi dans ce film l'excellent acteur Johan Leysen qui joue le rôle d'un client pas comme les autres (il éprouve de l'empathie pour cette jeune fille en perdition et ils tissent entre eux un lien très particulier) et une de mes actrice préférée, Charlotte Rampling une habituée d'Ozon, fait une apparition aussi remarquable que remarquée.

jeune et jolie[1]

La perfection formelle d'Ozon est-elle aussi au RDV. Cadrages, plans, lumières, décors, climax tout est pensé avec soin et délicatesse pour enrober d'un écrin à la fois simple et marquant cette histoire effroyable. Mention spéciale pour la musique que j'ai trouvé parfaite avec notamment quatre chansons de Françoise Hardy (mon petit pêché mignon) traitant des affres de l'adolescence, des titres que l'on a pas l'habitude d'entendre et que l'on découvre avec plaisir tant elles collent idéalement au thème du film.

Alors oui! Ce n'est pas un film à thèse mais ce portrait d'une adolescente troublée se révèle élégant, intelligent et développe avec finesse la mélancolie et les désillusions propre à cet âge à la fois ingrat et plein d'espoir. Un très beau et très fort moment de cinéma!

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Commentaires
C
Beaucoup aimé aussi, je ne m'attendais pas du tout à cela. J'ai adoré la manière de ne pas juger, de ne pas expliquer, de simplement laisser l'histoire et le besoin vivre. Très bon film donc
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P
Vraiment une très belle critique ! Bravo ! Mon épouse est tout à fait d'accord avec toi, trouvant que les femmes dans les critiques s'impliquent plus que les hommes qui restent en surface et s'intéressent plus à la technicité qu'à la profondeur des choses. Comme tu vois, le débat est bien entamé à la maison (grâce à vous).Je me suis permis de mettre un lien vers ta critique à la suite de la mienne.
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