L'histoire: Ça vous dirait de vivre votre propre autopsie?
De rencontrer le diable?
De vous tuer par désespoir dans les plaines enneigées du Minnesota?
De fuir la police en compagnie de Dillinger?
De devenir assassin via l'internet ou de trouver la petite pièce porte-bonheur qui vous fera décrocher le jackpot?
Alors, laissez-vous guider par Stephen King.
La critique de Mr K: J'avoue, j'ai beaucoup pratiqué Stephen King lors de mes débuts de lecteur au collège. J'ai dévoré ses premiers recueils de nouvelles, flippé en lisant Shining, Simetière, Ça et consorts... Et puis je me suis lassé, déçu par son écriture devenue trop prévisible et des histoires de plus en plus vaines. Ça faisait donc un sacré bout de temps que je n'avais pas remis le couvert avec le King et c'est une fois de plus lors d'une visite fructueuse chez l'abbé que je me laissai tenter. L'avantage d'un recueil de nouvelles c'est que si un récit est décevant, on peut toujours se rattraper avec le suivant. Cet ouvrage ne contredira pas cet adage, Tout est fatal étant constitué de bons ratages, de récits sympathiques et de nouvelles réellement très réussies. En tout, ce sont 14 textes qui sont ici compilés sur un total de 700 pages. Pour ne pas tomber dans la routine, j'ai intercalé d'autres lectures toutes les quatre nouvelles.
Dans la série des ratages, on trouve "L'homme au costume noir" où un jeune garçon rencontre le diable au détour d'une partie de pêche fructueuse. Remplie de clichés et con-con, rien de neuf à se mettre sous la dent et une morale bien mielleuse en toute fin qui gâche le plaisir. "Tout ce que vous aimez sera emportés" n'est pas beaucoup mieux, le lecteur est invité à suivre les derniers moments d'un désespéré... Honnêtement, j'avais hâte qu'il en finisse tant, une fois de plus, Stephen King empilait les poncifs empêchant par là-même toute forme d'empathie envers le héros... Un comble! "Quand l'auto-virus met cap au nord" quant à lui reprend le thème souvent traité du tableau hanté. J'ai trouvé cette nouvelle surfaite, légèrement pompeuse et au final ennuyeuse car on devine tout à l'avance, un comble dans le genre fantastique. Ces trois nouvelles sont donc à oublier.
Heureusement la majeure partie des récits sont plutôt sympathiques même si on est loin d'être face à des oeuvres de génie et que certaines pompent allègrement des thèmes déjà traités comme c'est le cas pour "Salle d'autopsie quatre" où un homme passé pour mort par les médecins va se faire autopsier de son vivant. Bien que maîtrisé et plutôt haletant, on ne peut s'empêcher de le comparer au récit d'Alan Poe ("L'enterré vivant"), dix fois plus puissant et évocateur. "La Mort de Jack Hamilton" est un récit du style road movie plutôt bien mené où nous suivons la fuite de Dillinger et sa bande suite à un casse qui a mal tourné, pas exceptionnel mais les pages se tournent vite et la fin est réussie (chose plutôt aléatoire dans l'oeuvre du King). "Salle d'exécution" met un journaliste d'investigation au prise avec un tribunal d'exception d'une dictature sud-américaine qui lui reproche ses révélations fracassantes. Le suspens est à son comble malgré des moments de grande propagande américaine digne de l'époque de la Guerre Froide. Reste un beau plaidoyer pour la liberté d'expression. "Tout est fatal", la nouvelle éponyme, voit un homme lambda se faire proposer un contrat pour devenir tueur à gage sur internet. Farfelue, déroutante, cette nouvelle est sympathique de part son côté paranoïaque, dommage que la fin soit si ouverte, on a l'impression que Stephen King en avait marre et qu'il a du coup bâclé la fin. "LT et sa théorie des AF" frôle la catastrophe tant le récit est minimaliste et finalement vain, par contre on rit beaucoup à l'écoute des anecdotes que le héros raconte à propos de sa vie de couple, c'est ce qui sauve cette nouvelle du naufrage! "1408" est la nouvelle à l'origine d'un film que Nelfe et moi avions vu au cinoche et que nous avions trouvé très moyen. Il en est de même avec la nouvelle qui se révèle convenue bien que remarquablement construite, la première partie étant un modèle de mise en haleine avant que le héros rentre dans la fameuse chambre hantée! Enfin, "Petite chansseuse", variation autour de la chance et de la cupidité bien que concise avec une héroïne bien caractérisée, s'embourbe une fois de plus dans les idées reçues.
Vous l'avez compris, rien d'exceptionnel à part les quatre nouvelles qui suivent! Tout d'abord le cross-over de la série littéraire de Stephen King La tour sombre avec "Les petites Soeurs d'Eluria" où on y retrouve Roland le Pistolero en prise dans une ville déserte à des mutants verts (cousins de Hulk) et des sorcières bien particulières! Un vrai ovni dans ce recueil que cette nouvelle typée Grind House, très bien écrite, délirante à souhait au héros attachant au possible. Peut-être un jour vais-je me décider à suivre plus attentivement les aventures du Pistolero. "Déjeuner au Gotham café" est une de mes préférée! Un homme a RDV au restaurant avec sa future-ex femme pour discuter du règlement de leur divorce mais arrivé sur place rien ne va se passer comme prévu. Le début commence tout doucement avec une belle description du couple et de son fonctionnement. L'intervention d'un troisième larron (ici un maître d'hôtel un peu spécial) va faire rentrer le récit dans la folie pure. Un petit bijou de montée en pression et un final quasi apocalyptique... Huge! "Cette impression qui n'a de nom qu'en français" tourne autour de la notion de déjà vu, récit à tiroir où on nage constamment entre réalité et rêve en suivant un couple allant fêter leurs 25 ans de mariage sur les lieux de leur lune de miel. Un événement fatal semble se profiler par petites touches, le final est terrible et surprenant, une très belle réussite! Enfin, "Un tour sur le bolid'", nous parle de la mort d'un proche et de la façon d'y faire face en suivant l'histoire d'Alan, un étudiant apprenant que sa mère est hospitalisée et qui va faire du stop pour la rejoindre. Il va être pris par deux conducteurs plus que décalés qui vont l'amener à réfléchir sur lui, ses rapports avec sa mère et sur ce qui est important dans l'existence. Un monument de finesse dont le King fait trop rarement preuve.
Au final, je ne pourrais pas vous dire que ce recueil de nouvelles soit indispensable. Il y a vraiment à boire et à manger et l'on passe du meilleur au pire. Du même auteur, préférez "Danse macabre" qui reste son meilleur dans le genre compilation de nouvelles ou sinon dirigez -vous vers Clive Barker qui me paraît plus mature et finaud. Reste que King est un raconteur d'histoires doué à l'écriture très accessible (idéal à lire en période estivale) même si au détour de certaines lignes je ne peux que penser que derrière l'écrivain se trouve un esprit quelque peu passéiste et un auteur en panne d'idée qui se répète d'une nouvelle à l'autre (au moins cinq de ces personnages arrêtent de fumer, schémas de pensée identiques...). À vous de voir si vous tentez ou non cette lecture, je sais je ne vous aide pas trop sur ce coup là!