"Métropolice" de Didier Daeninckx
L'histoire: L'homme à la valise se tenait immobile au bord de la fosse. Le bout de ses chaussures noires entamait la ligne blanche tracée tout le long du quai. Il haussa les épaules quand le grondement se fit plus précis. Jacques se releva et vint se placer juste derrière l'homme. Il frissonna de froid. La sueur mouillait son dos. Ses mains jaillirent de ses poches et se collèrent sur les omoplates de l'homme.
Qui bascula dans un cri terrible.
Il n'avait jamais rien vu de plus gros qu'une motrice de métro.
La critique de Mr K: Retour à Daeninckx aujourd'hui avec un ouvrage tout droit sorti de chez l'abbé. Métropolice le bien nommé nous plonge dans l'univers parallèle du métro parisien nous invitant à côtoyer une faune bigarrée et un univers quotidien suffocant. Roman noir et policier se mêlent pour nous offrir une œuvre brève et immersive au possible.
Tout commence par un événement aussi rare qu'effroyable: un homme transportant une bombe est précipité sous les roues d'une motrice de la RATP. On suit alors deux parcours: celui de la police tout d'abord désarmée face à cet acte fou qui peu à peu va suivre la piste de ce "sérial-pousseur" et remonter sa trace. Le portrait des forces de l'ordre est sans concession notamment par le portrait qui est ici brossé de deux policiers réactionnaires ordinaires et une hiérarchie léthargique qui n'a pas le sens des priorités. Un chapitre sur trois, nous nous retrouvons dans la peau de Jacques, le "pousseur" et suivons ses états d'âme et sa quête effrénée. Le malaise est là, cet homme est plus que perturbé et peu à peu le voile se lève sur ses motivations. La conclusion est sans appel et non dénuée de nuance.
L'univers du métro est ici extrêmement bien rendu. Le décor est banal, chacun vaque à sa petite existence sans soupçonner les déviances et les intrigues qui peuvent se dérouler à moins d'un mètre de soi. L'ambiance est donc étouffante, noire. L'individualisme transpire des pages descriptives mettant en scène le métropolitain et rend plus catharsique le rapport aux personnages qui gagnent du coup en relief. Cet univers sombre et cet absence de réel espoir m'ont plu et embarqué. L'intrigue gagnant en profondeur, de nouveaux questionnements d'ordre plus général apparaissent notamment concernant la montée de l'extrême droite en temps de crise comme nous pouvons le connaître en ce moment en France. A ce niveau, l'ultime page du recueil est à la fois effrayante et réaliste.
Ce fut donc une excellente lecture aussi rapide que plaisante. Il faut dire que l'auteur n'a pas son pareil pour tenir son intrigue et l'élargir à des questions de l'actualité contemporaine. L'écriture est fluide et va à l'essentiel, tous les bons éléments étaient donc réunis pour une réussite pleine et entière.
Déjà chroniqués de Daeninckx:
- Lumière noire
- Nazis dans le métro