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Le Capharnaüm Éclairé
13 mars 2012

"Frères de sang" de Richard Price

freresdesangL'histoire: Le Bronx, dans les années 1970. A bientôt dix-huit ans, il est temps pour Stony de choisir son chemin. Tout le pousse à suivre les pas de son père, et à devenir électricien? Une perspective qui ne l'enchante guère. Mais entre une petite amie volage, un jeune frère anorexique qu'il essaie de protéger de leur mère et une famille envahissante, Stony n'a pas le temps de penser à son avenir. Pourtant, lorsqu'il trouve un emploi dans un hôpital, il se prend à rêver d'une autre vie que celle à laquelle la tradition familiale le destine. Mais pourra-t-il échapper à ses origines?

La critique Nelfesque: Avec "Frères de sang", j'ai pris une bien belle claque. Ames sensibles d'abstenir! Entre déterminisme social, famille de cas soc' et amour fraternel, on suit la vie de toute la tribu De Coco: Chubby et Tommy, respectivement l'oncle et le père de Stony, deux queutards sans vergogne qui partagent leur temps entre les chantiers où ils sont électriciens et le bar du coin où ils séduisent des filles faciles; Marie, sa mère, égoïste et violente avec son petit frère Albert, 8 ans et anorexique; Phillis, sa tante décérébrée... et Butler, son meilleur ami.

Ce roman est violent de par les mots qu'il emploie et les idées qu'il véhicule. Richard Price, afin de pousser jusqu'à son paroxysme la violence quotidienne de cette famille, utilise des mots crus, des mots vulgaires qui peuvent choquer le lecteur à la première approche mais qui se trouvent être appropriés au climat de son roman. Les scènes de sexe et de violence physique sont explicites et ne ménagent pas le lecteur. Ici, on appelle un chat un chat...

Cette écriture crée une ambiance particulière et dès le départ, on sait que quelque chose d'irréversible va avoir lieu. De la première à la dernière ligne, on appréhende ce moment tout en sachant qu'il est inévitable. On ne sait pas encore de quoi il en retournera et l'espoir peut poindre par moment mais on est comme résigné, à l'image des personnages. En vrai roman noir, la lecture se fait sous une chape de plomb et on vit avec Stony les moindres évènements de sa vie avec fatalisme.

Loin d'être manichéen, ce roman ne se contente pas de présenter le combat de Stony pour mener sa propre vie face à une famille bornée qui veut faire de lui un électricien comme le père et l'oncle et à un milieu social populaire dans tout ce qu'il a de plus veul (alcoolisme, violence physique et morale, populisme, racisme...) qui ne l'aide pas à atteindre son rêve: travailler avec des enfants. Plus que cela, il brosse, à travers la famille De Coco, le portrait d'une société qui place l'argent, la sécurité de l'emploi et la chaleur de la routine avant les aspirations personnelles et les rêves d'idéaux. En cassant les espoirs de Stony, c'est leurs vies qu'ils créditent, leurs propres démons, leurs rêves brisés... On rentre alors en détail dans la destinée de chaque personnage et certains paraissant vraiment abjectes au premier regard deviennent humain. On comprend ainsi (sans excuser) pourquoi Marie s'acharne sur Albert même si cette relation est vraiment très difficile à lire. La scène du riz est à la limite du soutenable (vous comprendrez quand vous l'aurez lu). J'en avais les larmes aux yeux, chose très rare lors de mes lectures...

Au final, "Frères de sang" est un roman dur, au langage cru et aux destinées tragiques. Un très beau roman noir qui laisse un drôle de goût dans la bouche tant on s'attache aux personnages et qui laisse le lecteur pantois et triste. Un roman poignant.

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Commentaires
N
@pom': Et oui, l'Amérique c'est aussi (et souvent) la précarité, l'endettement, la violence morale... C'est sûr que c'est moins vendeur que Berverly Hills...<br /> <br /> J'espère que ce roman te plaira jusqu'au bout. J'aime aussi ce genre plus que les paillettes.
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P
je suis en train de la lire, je viens de parcourir la scène avec le riz, très touchant. j'aime ces romans, non pas parce qu'ils sont durs et violents mais ils montrent un autre regard de l'Amérique, bien loin des séries TV ou on ne montre que des gens aisés dans de belles maisons.
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