Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Capharnaüm Éclairé
30 septembre 2011

"Oedipe roi" traduit du mythe par Didier Lamaison

lamaisonL'histoire: Il avait traversé silencieusement une ville qui suintait la mort. Pyloros, le portier de la citadelle, l'avait conduit jusqu'au vestibule du palais où les servantes l'avaient accueilli, selon le rituel. Souvent interrogé sur les circonstances de cette arrivée, Pyloros n'avait pu rapporter que trois choses sur l'étrange voyageur: la rareté de ses paroles, l'absence de tout bagage, l'enflure insolite de ses sandales.
D'où venait-il?
- Du sanctuaire de Delphes.
Où allait-il?
- Vers mon destin.
Comment s'appelait-il?
- Regarde mes pieds. On m'appelle Oedipe.
Bien des années plus tard, nul n'en saurait davantage.

La critique de Mr K: Tout le monde connaît le mythe d'Oedipe, un peu moins l'œuvre de Sophocle, personnellement je ne connaissais pas du tout cette "adaptation" version polar par Didier Lamaison. Inceste, parricide, questionnements sans fin, quiproquos... des éléments clefs finalement pour une enquête policière dont la sentence finale est terrible malgré qu'on sache déjà la fin avant d'avoir débuté sa lecture. Voici ce qu'en dit l'éditeur à la première page: Les amateurs de polars adorent se réclamer de la poésie ou de la tragédie classique. C'est, pour eux, une manière réjouissante, provocatrice de revendiquer l'éternité de la littérature face à ceux qui ne voient dans le roman noir qu'un genre mineur voué à la disparition. J'ai voulu profiter de mon passage à la Série Noire pour aller un peu plus loin dans la provocation, en publiant une nouvelle traduction de la plus noire des tragédies, celle qui raconte l'histoire de ce roi maudit qui est l'assassin de son père avant de devenir l'amant de sa mère et commandite une enquête qui le mènera à la découverte de sa propre culpabilité. Freud y puisa des trésors, tous les auteurs de la Série Noire aussi.

Ce livre est une complète réussite. Et pourtant ce n'était pas gagné... je déteste le principe du remake et là, Didier Lamaison s'attaquait à un monument de littérature auquel je voue littéralement un culte. Féru de mythologie depuis mon plus jeune âge, j'avais du mal à accepter le fait que l'on puisse écrire cette histoire mais comme le présent volume me tendait ses petits bras (si si) depuis un rayonnage, je me suis laissé tenter... Grand bien m'en a pris! Par un sacré tour de force, l'auteur réussi l'exploit de conserver l'esprit originel tout en y injectant une sacré dose de suspens et d'esprit polar. Loin de trahir le message et la portée de ce récit hors du temps, il en impose une nouvelle vision, une nouvelle version qui n'élude en rien la tragédie de Sophocle, cette œuvre se révèle très réussie.

L'action se déroule toujours à la même époque, les faits sont rigoureusement les mêmes, seul le récit change et l'on sent le talent d'écrivain de polar percer. Il faut dire que le mythe d'Oedipe se prête très bien à l'exercice comme l'explique si bien l'éditeur. Malgré l'absence de toute surprise (à part si vous êtes originaire d'une autre planète), on se passionne pour cette enquête menée par le tyrannicide lui-même. Plus il avance, plus la menace se fait sourde et implacable, plus la tension monte chez le lecteur jusqu'à la révélation finale attendue. C'est aussi avec un plaisir non dissimulé que l'on retrouve de grandes figures tragiques comme Jocaste (la mère incestueuse), Antigone (la fille dévouée, la version d'Anouilh m'a marqué à jamais) ou encore Créon (le beau frère ambitieux). On ne peut qu'être époustouflé par la modernité de ce mythe à la dramaturgie millimétrée, un exemple hors norme de continuité de l'art à travers les âges.

La lecture est aisée, très agréable et les pages se tournent quasiment toutes seules. Je ne peux qu'admirer la propension de Didier Lamaison à maintenir en éveil l'attention du lecteur malgré le sujet traité. Rajoutez à cela un talent inouï pour mener le récit et cerner les personnages... vous obtenez un must que tout amateur du genre se doit de lire, ne serait-ce que pour se raccrocher aux fondamentaux vu parfois les déceptions que peuvent engendrer certains polar de deuxième zone. Un petit bijou je vous dis!

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Suivez-moi
Archives
Publicité