"The tree of life" de Terrence Malick
L'histoire: Jack grandit entre un père autoritaire et une mère aimante, qui lui donne foi en la vie. La naissance de ses deux frères l'oblige bientôt à partager cet amour inconditionnel, alors qu'il affronte l'individualisme forcené d'un père obsédé par la réussite de ses enfants. Jusqu'au jour où un tragique événement vient troubler cet équilibre précaire...
La critique Nelfesque: Hum... Je trouve le résumé ci dessus bien loin de la réalité de ce film et très réducteur. Terrence Malick plus que nous présenter la vie d'une famille ordinaire des années 50-60, part dans un trip mystique peuplé d'images colorées et graphiques qui est assez déroutant pour le spectateur.
Nous avions prévu de voir ce film au cinéma bien avant qu'il remporte la Palme d'Or à Cannes. Divisant les critiques sur la croisette, j'avais décidé de ne pas trop lire d'articles sur le film pour ne pas être parasitée d'informations une fois dans la salle. Le début m'a quelque peu surprise. En effet, une succession d'images "documentaires" sur la vie, des origines de l'univers à notre quotidien d'homme, passant de l'échelle microscopique à l'échelle cosmique, accompagnée de réflexions mystiques au compte goutte m'a quelque peu ennuyé... Ces images sont certes magnifiques mais cette première partie de presque 30 minutes n'est à mon sens pas du cinéma. Je verrai plus sa place dans un musée d'art contemporain... Certains critiques y voit même une promotion sectaire. Je n'irai quand même pas jusque là.
Avec le suite du film, on rentre plus dans l'intimité de la famille et à partir de là, j'ai commencé à accrocher à ce long métrage. L'enfance du personnage principal est passée en accéléré, basée sur les sensations, jusqu'à en arriver à une époque charnière de sa vie: sa pré-adolescence et avec elle l'emergence de son sens critique et le développement de sa personnalité.
Ce film ne plaira pas à tout le monde et il faut être assez "aware" pour apprécier le délire de Terrence Malick. Superbement filmé, le spectateur passe par tous les sentiments par l'image et les dialogues sont presque superflus.
Depuis notre séance ciné, j'ai lu des commentaires de critiques et spectateurs outrés par l'autorité du père de famille, allant même jusqu'à assimiler son comportement à de la maltraitance. Les mentalités ont évolué depuis cette époque et les méthodes d'éducation avec mais il ne faut pas oublier que dans les années 50, les pères font figure d'autorité dans la famille et les enfants sont élevés à la dure. Pour ce père, joué par Brad Pitt, l'homme doit être droit et solide, il élève donc ses enfants en conséquence, réfreinant ses élans d'amour pour eux.
Au final, je ne sais pas quoi penser de ce film. D'un côté époustouflée par la beauté des images, par la musique qui va à merveille avec l'ensemble et par la photographie mais en même temps déroutée par le chemin peu conventionnel qu'a emprunté le réalisateur. Je ne pense pas le revoir un jour d'autant plus qu'il faut vraiment voir ce film au cinéma, dans une bulle silencieuse, pour l'apprécier et le comprendre. A tenter donc pour les curieux tout en gardant à l'esprit qu'on est loin de ce que le cinéma nous propose d'ordinaire.
La critique de Mr K: 6/6. Choisis ton camp camarade! Avis divergents aujourd'hui au Capharnaüm éclairé même si nous nous rejoignons sur beaucoup de points. J'ai adoré ce film, il m'a nourri et pénétré à la manière d'un bon Kubrick, il m'a fait me poser des questions et m'a épaté au niveau de la technique et de l'esthétique. Qui dit film hors norme dit forcément divisions et c'est tant mieux. Je crois que devant ce type de métrage, chacun peut y trouver ce qu'il veut et l'expérience est vraiment saisissante.
Comme l'a précisé Nelfe avant moi, le scénario ne correspond pas vraiment au contenu même. Certes, l'on suit une famille lambda et plus précisément les rapports complexes entre un père (très bon Brad Pitt) et son aîné (Sean Penn et son double pré-adolescent sont d'une justesse émouvante). Mais Malick transcende son sujet en l'ouvrant vers une certaine universalité. Poétiques et métaphysiques, les images relatant les commencements du Monde se suivent, hypnotisant le spectateur et le menant vers des sommets insoupçonnés: franchement le mot trip (voyage) n'a jamais aussi bien convenu, on flotte en plein New Age, tendance Mick Oldfield de la grande époque: aux images font écho de simples paroles teintées de spiritisme. J'ai aimé mais il faut avoir les neurones bien accrochés pour suivre ce passage hautement perché, beaucoup d'ailleurs ont été rebutés.
Ce film est littéralement habité par la nature. Le contraste est fort entre le Sean Penn adulte travaillant dans un Central Business District américain et ses souvenirs d'enfant puis d'adolescent se déroulant dans une petite ville de campagne. On suit la construction du gamin depuis sa naissance (des sensations étranges, des expériences de jeux, des moments de tendresse, des chamailleries avec ses frères...) jusqu'à l'âge fatal où la maturité commence à pointer le bout de son nez. La figure paternelle étant ce qu'elle était à l'époque, les relations sont tendues entre le père et le fils. Mélange de rudesse et d'amour paternel caché derrière son personnage de père sévère, Bratt Pitt excèle et le jeune comédien qui lui renvoie la balle est au diapason. Toutes ces scènes de vie sont entrecoupées de plus ou moins longues séquences où les arbres sont omniprésents et rassurants (les gamins qui jouent aux singes dans les branches, cadrage de la canopée en contre-plongée...). Plus qu'une histoire, l'auteur nous fait partager une certaine vision de la vie, de la mort et de l'homme. La scène qui clôture le film est superbe, tous les éléments s'imbriquent et mènent à une conclusion magistrale. Je vous rassure, rien de forcément religieux, que l'on soit croyant ou pas (et c'est mon cas), le message est universel.
Malick oblige, la technique est une fois de plus parfaite et toujours au service du film et non pour l'épate. Les images sont superbes, les mouvements de caméra souples et parfois déroutants: il cadre à l'envers les ombres des trois frères jouant au ballon sur la route bitûmée, effet garanti! La musique accompagne merveilleusement bien l'ensemble, jamais envahissante, ménageant les émotions tout en les réhaussant, on navigue dans le répertoire classique (Kubrick, je vous dis!).
Une sacré expérience en tout cas! Si vous avez aimé 2001, l'odyssée de l'espace, Solaris (l'original) ou encore Blue Berry (pour la partie "expérimentale"), courez-y! Ce film est pour vous! Pour les autres, c'est peut être le moment de tenter cette plongée ahurissante au profond de l'âme et de la condition humaine.