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Le Capharnaüm Éclairé
18 octobre 2010

"Le Zubial" d'Alexandre Jardin

zubialL'histoire: Le jour où mon père est mort, le 30 juillet 1980, la réalité a cessé de me passionner. J'avais quinze ans, je m'en remets à peine. Pour moi, il a été tour à tour mon clown, Hamlet, d'Artagnan, Mickey et mon trapéziste préféré; mais il fut surtout l'homme le plus vivant que j'ai connu. Pascal Jardin, dit le Zubial par ses enfants, n'accepta jamais de se laisser gouverner par ses peurs. Le Zubial avait le talent de vivre l'invivable, comme si chaque instant devait être le dernier. L'improbable était son ordinaire, le contradictoire son domaine.

Ce livre n'est pas un recueil de souvenirs mais un livre de retrouvailles. Le Zubial est l'homme que j'ai le plus aimé. il m'a légué une certaine idée de l'amour, tant de rêves et de questions immenses que, parfois, il m'arrive de me prendre pour un héritier.

La critique de Mr K:

Après la montée en pression avec le dernier Despentes, une lecture plus douce mais toute aussi folle avec cette biographie romancée haute en couleur avec un personnage principal totalement hors normes qui "habite" littéralement ce livre.

Le Zubial est un original qui a décidé de vivre sans contraintes et dont les actes et paroles vont marquer son fils. On lit avec délectation les délires de Pascal Jardin, son anticonformisme et son profond désir de liberté: il s'emmerde dans un dîner mondain, il le dit et se lève de table en saluant tout le monde; une femme mariée l'intéresse, il fera tout pour l'obtenir quitte à aller voir le mari ou escalier la façade... Le Zubial est avant tout un coureur de jupon, le mariage des Jardin (pour les deux morts) n'est pas un cadre figé... drôle d'existence donc où les enfants voient déambuler dans la propriété familiale les amant(e)s de tout bord. Voici un passage où l'on peut se faire une idée sur la conception de la vie du Zubial notamment sur son attirance pour l'infini et la puissance des envies illimitées:

- Et Président? lui demandai-je un jour. On peut devenir Président de la République, nous ? Parce que... ça me plairait bien. Il posa sa scie, réfléchit un instant et me répondit avec le plus grand sérieux.

- Oui, ça c'est possible... mais quand ?
- Quoi quand ?
- Quand veux-tu devenir un grand Président ?

Il me prenait un peu de court ; j'avais neuf ans et ne savais pas trop quoi répondre. Mais son attitude me confirma dans l'idée que l'affaire était jouable puisqu'il ne m' avait demandé qu'une seule chose : quand ?
A présent, je me rends compte de la beauté de sa réaction. Le Zubial me permettait tout, pourvu que mes désirs fussent exorbitants. Un père ordinaire eût sans doute ricané devant une telle question ; lui s'était seulement inquiété de la date. Le Zubial croyait en la puissance des envies lorsqu'elles sont illimitées. Etait-ce une naïveté? Sans doute, mais j 'y vois aussi une sagesse, un respect pour ce qu'il y a peut- être de plus précieux chez un petit garçon, et en l'homme les désirs. Dix-sept ans après, je garde encore le goût des siens, si vifs, si ensoleillants.

Papa, pourquoi m'as-tu abandonné? Pour quoi m'as-tu laissé dans ce monde où les vastes désirs semblent toujours un peu ridicules? Lui seul croyait en mes folies, lui seul me donnait envie de devenir quelque chose de plus grand que moi. Ce goût de l'infini, et de l'infiniment drôle, m'est resté comme une terrible nostalgie.

Alexandre Jardin se livre énormément dans ce livre, n'hésitant pas à lever le voile de la pudeur en relatant des moments clefs de sa relation avec son père. Écrit intimiste, on rit souvent devant les extravagances du père mais le ton devient par moment plus grave lorsqu'il arrive que les choses tournent mal (suicide d'Emmanuel Jardin). Souvenirs romancés placés sous le sceau de l'insouciance mais aussi des choix que l'on doit mais surtout que l'on VEUT faire. Le père, figure existentialiste par excellence, précepteur-modèle, à le fois proche et inatteignable, Idéal convoité par le jeune Alexandre qui va devoir se construire dans son ombre à la fois rassurante et étouffante. Ce livre est donc une très belle illustration du parcours initiatique que doit mener chaque ado pour se construire et s'affirmer.

Un livre qui se lit très facilement, on retrouve la très belle prose de l'auteur que j'ai déjà pratiqué par le passé avec Fanfan et le Zèbre. À la fois accessible et évocatrice au possible, les pages s'enchainent sur un rythme haletant sans que l'on s'en rende compte. Les chapitres sont très courts (5 pages maximum) et c'est par bonds successifs que nous découvrons et apprenons à connaître Pascal Jardin et ses relations avec son fils. Une bonne lecture, vivifiante à souhait que je vous recommande.

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Commentaires
M
@thanaka: je vais laisser passer un peu de temps et j'y remettrai le nez surement!^^
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T
j'ai beaucoup aimé les premiers livres d'Alexandre Jardin, ensuite j'ai abandonné.<br /> un conseil, lire absolument "le nain jaune" !! de Pascal Jardin (le père)<br /> <br /> et dans les amis de la famille Jardin, decouvrir les écrits de Paul Morand, grand voyageur
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M
@Cath: Ca fait toujours du bien!^^
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C
J'aime beaucoup les délires de Jardin... Ca fait longtemps que je n'ai rien de lui... Ton billet me donne envie d'en relire...
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