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Le Capharnaüm Éclairé
9 octobre 2010

"L'ironie du sort" de Paul Guimard

ironieL'histoire: Nantes, le 11 septembre 1943, juste avant 23 heures. À proximité de la Kommandantur,  Antoine Desvrières est caché dans une porte cochère avec la mission d'abattre le "lieutenant Werner" qui est sur le point de terminer son enquête sur le réseau "Cornouaille".

Rue Monselet. Marie-Anne de Hauteclaire, fille du bâtonnier de Nantes, qui attend un enfant d'Antoine, est dans l'attente du résultat de cette action (dont elle ne connaît pas le détail).

Devant la Kommandantur, place Louis XVI. Le Feldgendarme Helmut Eidemann essaie de faire démarrer une camionnette pour la patrouille de 23 heures. Le lieutenant de Rompsay sort du bâtiment, reçoit le salut d'Helmut, descend vers le lieu de l’embuscade. Il pense à son métier, au passé de sa famille, à sa maîtresse française.

L'histoire peut commencer...

La critique de Mr K: Très bonne lecture que ce livre qui m'a été chaudement recommandé par un de mes collègues fervent admirateur de Guimard. Pour ma part, c'est ma première lecture de cet auteur et je pense que j'y retournerai bientôt tant son écriture et sa gestion de (des) intrigue(s) est prenante.

Ce livre ne raconte pas une histoire, mais plusieurs récits parallèles. Au centre, un acte fondateur: l'assassinat d'un officier allemand par un résistant. Selon sa réussite et son échec, les roues de l'histoire vont emprunter des rails différents. C'est justement là que réside l'ironie du sort, un choix, une réaction différente fait que notre vie prend telle ou telle direction. Livre "existentialiste" dans l'âme, le destin n'existe pas, nos vies ne sont que le résultat de nos choix. À partir de là, les personnages ont des destinées, des ressentis et des trajectoires bien différentes selon la réalisation ou non de l'acte fondateur suscité: résistant héroïque, collaborateur chevronné, mariage ou deuil, mort jeune ou vie bien remplie... Inutile de vous dire que j'ai pris un malin plaisir à passer d'un récit à un autre, examinant les changements intervenus dans la vie des personnages.

Le tout est écrit dans une langue accessible, pleine de subtilité et à la précision extrême. Point trop de description, ce qu'il faut pour que l'esprit du lecteur puisse imaginer les lieux et les personnes, des scènes haletantes (notamment les deux scènes de l'acte -réussi ou non-). Et puis, une sensibilité à fleur de page que l'on retrouve à chaque détour de phrase, de paragraphe. En voici, un petit exemple: En amour on n'est pas du soir et du matin. Marie-Anne était du soir. Jean, au contraire, toujours éveillé par les premières pâleurs de l'aube, résistait mal au désir d'arracher à la nuit ce peloton de chair tendre et étroitement inscrit dans les courbes de son propre corps. Marie-Anne dormait incrustée dans Jean. Les mouvements nocturnes les désunissaient parfois, l'espace d'un instant, mais Marie-Anne, du plus profond de son inconscience, accomplissait les gestes qui les ressoudaient au corps de son homme aussi parfaitement qu'une cire prend l'empreinte d'un moule; elle épousait Jean dans le vrai sens du mot. Elle n'était jamais aussi belle que dans le sommeil. Toute en courbes, en lignes flexibles, en replis imprévus, le visage brouillé par ses cheveux épars, elle semblait composée par un maître de ballet génial, tableau vivant de l'apaisement, danseuse immobilisée au comble de sa grâce, vulnérable, divine. Jean la découvrait furtivement tout en se jurant de respecter cette harmonie fragile mais bientôt, des draps écartés montait l'odeur de Marie-Anne endormie, ce miel, ce myrte, cette rose d'Ispahan que les plus anciens poètes ont respirés dans le parfum matinal des corps de leurs maîtresses.

Ce livre se déguste d'une traite et sous son apparence de récit simple (quoique multiple!) se cache une belle réflexion sur la liberté et la condition humaine. Une lecture que je conseille fortement.

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Commentaires
M
@vincent: Pas de pot, celui là on me l'a prêté ^^
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V
Bon tout ça c'est bien joli, mais il va falloir arrêter de prendre emmaus pour la FNAC! ^^
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