Jeanne Cherhal et la Secte Humaine à l'Olympic, Nantes, 26/03/10
Concert décoiffant vendredi soir à Nantes dans la salle de l'Olympic, ancien cinéma reconverti en salle de spectacle. Décoiffant à tous les niveaux: étonnement, incrédulité, hallucination mais aussi pêche, humour et puissance. Vous l'aurez compris, c'est donc avec une impression mitigée que nous sommes ressortis de l'Olympic sous une pluie dilluvienne.
Je suis Jeanne depuis des années, j'ai été invité à ses concerts et j'ai dans mes amis des cherhaliens pure souche premier rang pied de micro. Autant dire que ce n'est pas en vierge effarouchée que j'ai fait le déplacement de plus de 100km ce vendredi soir. "Faut-il que j'aime Jeanne pour me déplacer comme ça". Le dernier album "Charade" est sorti le 8 mars et tranche avec les albums précédents de Jeanne. Le public ne connait pas encore très bien les titres proposés sur scène et c'est donc une découverte de chaque instant que nous nous apprêtons à vivre en live.
La Secte Humaine, autrement nommée suivant sa formation Little Rabbits ou French Cowboy, fait son entrée sous un tonnerre d'applaudissements. Il faut dire aussi que ces 4 là ne sont pas des petits nouveaux: Gaëtan Chataigner à la basse et Ray-Ban, Stéphane Louvain à la guitare et veste torse nu, Eric Pifeteau à la batterie et costume "frangé" et Philippe Eveno au guitare/clavier et pantalon coutures "cuillère". Ils attaquent l'instru de "J'ai pas peur" quand Jeanne arrive sur scène. Je préviens tout de suite ceux qui ne sont pas encore au courant mais Jeanne a quelque peu changé sa garde robe ces temps ci. De nouvelles tenues qui tranchent définitivement avec ce qu'elle nous avait habitué auparavant. Ce soir c'est en santiags et micro-"robe" noire qu'elle s'avance devant son public. A-t-elle oublié de mettre son pantalon? Non, non, c'est normal! Sur "Qui me vengera" et face à une salle dont la clim a lâché elle fera même sauter la "robe" pour se retrouver en shorty/bustier noir. Ah, ça, ça change des couettes sages avec lesquelles elle a débuté. Sans parler du rouge à lèvre rouge vif qui a pris la place du make-up naturel... Je referme ici la page "mode"...
Les titres du dernier album, "Charade", s'enchainent: "Pays d'amour", "En toute amitié", "Mon corps est une cage"... Nous prouvant, si nous en éprouvions le besoin, que Jeanne sait brailler à la Lara Fabian. Les premiers titres sont donc une sorte d'expérience scientifique pour le public: jusqu'à combien de décibel peut tenir l'oreille humaine? Un compteur était d'ailleurs accroché sur un mur de la salle. Sa présence aurait dû nous alerter!
A ce moment du concert je me demande si je vais tenir plus longtemps... Arrive alors "Canicule", titre de "Je suis liquide" son précédent album. "Pour m'aérer jusqu'à la moelle, toute la journée je reste à poil". Etrange que maintenant ce titre prenne une autre dimension... Idem pour "Le tissu" qui semble mal venu... Les charades de l'album viennent égrainer le set "Mon premier", "Mon second", "Mon troisième"... accompagnées d'un néon rouge façon motel au dessus de la scène clignotant "CHARADE". Ces dernières sont autant de poses douceur qui font du bien. Car oui, Jeanne Cherhal a réellement changé de registre. Là où avant elle faisait dans la subtilité, dans la douceur, dans l'humour, elle est aujourd'hui dans la puissance et dans l'énergie résolument rock. Difficile de réaliser que nous avons la même femme devant les yeux. Une dimension rock pas encore tout à fait maîtrisée, certaines attitudes sonnent creux, certaines postures semblent fausses. Ou alors est-ce dû à un oeil plus critique de quelqu'un qui voit sous ses yeux un virage à 180°... Ceux qui découvriront Jeanne Cherhal sur cette tournée n'auront peut être pas le même ressenti.
"Un trait danger" nous montre une Jeanne "vénère" s'acharnant sur son piano comme la misère sur le monde, idem pour "Un couple normal" réarrangé pour la tournée d'une façon assez... déconcertante et disons le franchement inappropriée. Il faut bien l'avouer, avec un tel band, il faut savoir s'imposer. Les musiciens sont excellents, ils n'en sont pas à leur premier coup d'essai et ça se voit! Malgré les quelques mots échangés entre Jeanne et le groupe, ce "couple" est encore très timide, les échanges sont fugasses et on sent qu'il est en rodage. Plus qu'une formation, nous avons pour l'instant un groupe de zicos accompagnant une chanteuse.
Mais alors, il n'y a que du négatif dans cette tournée? Non ne vous inquiétez pas jeunes fans prêts à vous suicider devant ma chronique, un couteau à beurre à la main! Stoppez là votre geste irréfléchi! "Cinq ou six années" passe très bien sur scène, "La peau sur les os", de "Je suis liquide", dépote vraiment, la reprise de "La boulette" de Diam's est étonnante de par son style et déride le public qui rit franchement en retrouvant le côté décalé et impertinent de Jeanne. Mention spéciale pour "Douze fois par an" précédé d'une longue intro au piano qui réveille la nostalgie d'une Jeanne piano/voix. "Lorsque tu m'as" en version scène est beaucoup moins crispante que la version album et Jeanne déboulant dans la fosse prise d'une danse proche de la transe nous communique son énergie. Au final, un titre qui fout la patate!
Le concert se termine avec "Je voudrais dormir", Jeanne seule au piano. Un vrai moment de partage avec le public. Un beau moment émouvant qui nous fait quitter la salle avec ce sentiment que certes Jeanne a changé mais elle n'est pas encore tout à fait différente.
Avec cet album et cette tournée "Charade", Jeanne surprend, déconcerte, ravit ou déçoit. Elle ne laisse pas indifférent. Elle perdra sans doute certains fans, d'autres la suivront dans cette évolution mais elle gagnera à coup sûr un nouveau public plus attiré par le rock et le clinquant. Bonne route Jeanne...
Merci à Fab alias lartscenes pour les photos ;)