Fire walk with "Twin Peaks" de David Lynch!
Ca y est! On l'a terminée! Ce fut long (au rythme de deux épisodes tous les mercredis soirs) mais un plaisir sans nul autre pareil du début à la fin de la série de David Lynch: Twin Peaks. Je chronique quasiment jamais de série car je ne suis pas amateur et j'ai peur de l'addiction que cela peut entraîner! Au panthéon qui compte déjà L'hôpital et ses fantômes, Le prisonnier avec Patrick MacGohan, X files et Shameless, Twin Peaks a une place à part. Déjà son auteur est cinéaste et cela se sent dans tous les mécanismes de la narration et dans la forme d'une pureté diabolique.
L'histoire est simple: le cadavre de Laura Palmer, une jeune femme bien sous tout rapport (du moins à première vue...) est retrouvée emballée dans du plastique. Le FBI envoie l'agent Dale Cooper sur place pour résoudre le mystère. Il va se plonger dans l'univers pittoresque et étrange d'une bourgade du nord des USA à la frontière canadienne et se retrouver confronter à la communauté de la ville de Twin Peaks (leurs moeurs et leurs habitudes), à des visions qui égrainent des indices et à des phénomènes inexpliqués.
Ne nous leurrons pas, cette série est l'occasion pour Lynch de décortiquer la ville éponyme et surtout ses habitants. Ils sont plus savoureux les uns que les autres et leurs destins se croisent pendant les 29 épidodes de 50 minutes environ qui constituent cette oeuvre hors norme. Mon personnage préféré, Dale Cooper, est interprété par un Kyle MacLahan impeccable comme d'habitude (Hidden, Dune). Agent du FBI au premier abord austère et maniaque dont les méthodes sont pour le moins étranges mais qui dégage une humanité profonde et sincère. Attachant, forçant le respect et parfois drôle de part ses réactions bizarres.
Mais c'est le lot de tout spectateur de la série que de se voir confronter aux comportements décalés de ses personnages principaux: ils sont au nombre de trente et tous sont traités sur un pied d'égalité avec justesse et rigueur. L'intrigue en tiroir qui en résulte et une merveille de mécanisme de haute précision, jamais pris en défaut par le public. Implacable, imparable, soufflant le chaud et le froid dans une lenteur ouateuse au formalisme extrême. De vrais plans, de beaux effets caméras et un effet hypnotique garanti pour celui qui fait l'effort de rentrer dans la série qui peut rebuter au départ par la lenteur de l'exposition (une trentaine de persos importants, vous imaginez la prouesse pour faire tenir ça dans un format court!).
Pour en revenir aux personnages, il me sera impossible ici de tous les nommés et pourtant ils le mériteraient! Je vais donc plus m'attarder sur mes préférés, à vous de découvrir toutes les subtilités du stratagème visuel mis en place par Lynch et ses comparses.
Tout d'abord les forces de l'ordre. Lucie la standardiste neuneu du bureau du shérif qui mène en bourrique Andy policier de la ville aussi gland qu'elle: ils s'aiment, elle le repousse, il rampe, elle s'apitoie, il la supplie etc... Drôles au possible, ces personnages ont aussi leur utilité et contrebalancent le sérieux de Hawk (adjoint) et Truman, le shérif (bras droit et fidèle de Cooper malgré leurs différences), aux amours défendus et hauts en couleur. L'agent Denise, David Duchovny travesti (voir photo en ligne d'hier!) dans sa première apparition à l'écran. Benjamin Hornes un magnat immobilier de Twin Peaks et sa fille Audrey (d'une beauté sans pareil), la tenancière d'un fast food Norma et son mari ex-taulard vivant un amour impossible avec le garagiste lui-même marié à une borgne obsédée par son invention: des tringles à rideaux silencieuses! Le père de Laura Palmer, l'avocat Leland Palmer, à la folie douce d'abord délirante puis plus inquiétante...
Il y en a tellement... Léo, mari violent, camionneur et à ses heures perdues convoyeur de came venant du Canada. Le major Briggs, ex de l'Air Force, ayant participé à d'étranges expériences dans les forêts alentours de Twin Peaks (du X-files avant l'heure!). Catherine, matriache d'une famille déviante, cynique et manipulatrice, elle est le pendant féminin de Hornes.
Enfin (désolé pour ceux que j'ai omis), les personnages qui apparaissent dans les visions de Cooper: un géant sussurant, un nain dansant pour rejoindre son siège. Sans oublier Laura Palmer et le mystérieux Bob, être grimaçant, sournois et brutal qui semble mystérieusement lié à ce qui se passe sans que personne ne l'ai vu vraiment...
Dernier personnage et non des moindres: la forêt. Impénétrable, mystérieuse et omniprésente, tant dans les plans que dans le scénario lui-même. D'autres images marquent profondément le spectateur: celle de la cascade jouxtant l'hôtel Hornes, le générique mettant directement dans l'ambiance et que nous n'avons jamais "zappé" en 29 épisodes. La musique par ailleurs est signée par Angelo Badalamenti, compositeur attitré de Lynch. Le thème d'Audrey mélange de jazz soft et de musique d'ascenseur, le thème du film avec ses célèbres trois premiers accords. Elle contribue grandement à l'atmosphère malgré quelques fausses notes dont le thème d'amour ringard à souhait. A ce propos, la série date et cela se voit notamment dans les "pull-over à la Twin Peaks"! Sans commentaire, on est dans la fin des années 80 et près du Canada... En même temps, Lynch a forcé le trait au maximum et cela permet aux couples de faire un concours de la tenue la plus moche. Je peux vous dire qu'avec Nelfe à la maison, on s'en est donné à coeur joie avec les jacquards et les associations malheureuses entre les hauts et les bas!
Mais je vous le confie: je suis adepte depuis longtemps de série B et autres productions indépendantes. Loin d'être répulsif, ça a rajouté un caractère "roots" à l'oeuvre qui est avant tout une réflexion sur le genre humain, le bien et le mal et les limites qu'il ne faut pas dépasser. Pour rassurer certains, je peux maintenant vous le confirmer: il y a une fin! Elle plaira pas forcément à tout le monde (perso, j'adore mais un peu dégoûté...) mais une explication et un twist final assez remarquable et osé pour l'époque.
Voilà, j'ai conscience de n'avoir fait qu'effleurer une oeuvre qui par définition n'est pas résumable. Véritable expérience, d'autant plus agréable quand on la partage à deux tant après le visionnage Nelfe et moi éprouvions le besoin d'en parler. Ca questionne, ça interroge, ça déroute souvent... mais c'est si bon de ne pas être pris pour un con pour une fois!