"World War Z" Max Brooks
L'histoire:
La guerre des Zombies a eu lieu, et elle a failli éradiquer l'ensemble de l'humanité.
L'auteur en mission pour l'ONU -ou ce qu'il en reste- et poussé par l'urgence de préserver les témoignages directs des survivants de ces années apocalyptiques, a voyagé dans le monde entier pour les rencontrer, des cités en ruine qui jadis abritaient des millions d'âmes jusqu'aux coins les plus inhospitaliers de la planète. Il a recueilli les paroles d'hommes, de femmes, parfois d'enfants, ayant dû faire face à l'horreur ultime. Jamais auparavant nous n'avions eu accès à un document de première main aussi saisissant sur la réalité de l'existence -de la survivance- humaine au cours de ces années maudites.
Depuis le désormais tristement célèbre village de Nouveau-Dachang, en Chine, là où l'épidémie a débuté avec un patient zéro de douze ans, jusqu'aux forêts du Nord dans lesquelles -à quel prix!- nombre d'entre nous ont trouvé refuge, en passant par les États-Unis d'Afrique du Sud où a été élaboré l'odieux plan Redecker qui finirait pourtant par sauver l'humanité, cette chronique des années de guerre reflète sans faux-semblants la réalité de l'épidémie.
Prendre connaissance de ces comptes-rendus parfois à la limite du supportable demandera un certain courage au lecteur. Mais l'effort en vaut la peine, car rien ne dit que la Zème Guerre mondiale sera la dernière.
La critique de Mr K:
Encore une bonne lecture, j'ai littéralement dévoré le livre du fils de Mel Brooks (pas mal sur un CV tout de même!). Auteur d'un "Guide de survie en territoire zombi" chez le même éditeur, il nous livre ici une uchronie réussie à souhait. Étant grand amateur de zombis au cinéma (maître George Roméro je vous salue bien bas!), jusqu'à maintenant je trouvais que le genre s'accomodait très mal avec la littérature à de rares exceptions près.
Aux lecteurs effrayés par le thème, je dirais de ne pas passer leur chemin sans avoir tenté l'expérience. Nous ne sommes pas dans le gore "craspouet" mais plutôt dans le récit de guerre teinté de géopolitique. Brooks se veut réaliste (hormi le fait que les morts se lèvent après dodo pour manger de l'humain) et réussit pleinement son pari. La forme tout d'abord est originale: il s'agit d'un recueil de témoignages oraux compilés à la manière d'un manuel d'histoire traitant d'une guerre quelconque. Loin de tomber dans les poncifs du genre, tour à tour politique, médecin, soldat, vétéran, religieux, mère au foyer, otaku japonais et bien d'autres nous livrent leurs impressions et vécus si différents les uns des autres. Le tout formant une matrice séduisante en diable et diaboliquement (sic) efficace: on s'y croirait. Rien ne nous est épargné: souffrances morales de la perte de l'être cher, déracinement, dépression, les bévues militaires à grande échelle, le cynisme des États-majors, les présidents va-t-en guerre, la figure du résistant, le racisme mais aussi parfois l'espoir, l'entre-aide et l'amour. Tout ce qui rend l'humain si détestable et attachant à la fois.
Là où Brooks marque encore plus de points, c'est qu'à travers ces témoignages c'est toute la géopolitique du monde actuelle qui est explorée: le conflit israëlo-palestinien (Israël s'isole), Cuba qui via le conflit va s'enrichir, le Japon sans armée qui doit évacuer son territoire, les américains submergés par le flot des réfugiés mexicains qui se verront utilisés comme appât, l'Inde et le Pakistan et leurs conflit frontalier du Kashmir, la Chine et le problème sanitaire (leur méconnaissance de la gestion d'une crise d'ampleur mondiale) etc... Sans morale aucune je vous rassure mais plutôt un instantané de ce que pourrait provoquer comme réactions en chaîne une épidémie à l'échelle mondiale (en France on s'en fout, il nous reste des vaccins en trop!).
Ce livre n'est donc pas un simple divertissement mais aussi un récit parfois bouleversant grâce au réalisme des témoignages et des réactions des uns et des autres (individus et États). L'auteur lui ne trahit jamais son propos et pousse sa logique à son paroxysme. On ressort de cette lecture ébahi par tant de virtuosité et de maîtrise. Avis aux amateurs et aux autres...