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Le Capharnaüm Éclairé
29 septembre 2009

Bientôt la "taxe corail"...

corailC'est une petite info de rien du tout, relevée au passage dans "Le Monde" (04/09): les barrières de corail rendent service à l'humanité, un service qu'un rapport publié sous l'égide des Nations Unies vient d'évaluer à 120 milliards d'euros. Le corail a donc désormais un prix. Quelle belle nouvelle! Le voilà donc quasiment tiré d'affaire. On connaît en effet la thèse des nouveaux calculateurs verts: c'est parce qu'au XIXème siècle les économistes ont négligé de mettre un prix sur la nature que celle ci a subit la razia dévastratrice dont on constate aujourd'hui les dégâts. L'air, l'eau, la biodiversité, les matières premières semblaient infinis, ils étaient donc gratuits ou presque. Aujourd'hui, nous savons que les stocks sont limités et la planète en danger: il faut donc d'urgence donner un prix à la nature, et ainsi on la respectera. La preuve: c'est depuis qu'en 2006 l'économiste en chef du Royaume Uni, sir Nicolas Stern, a calculé que le réchauffement climatique nous couterait entre 5 et 20 points du PIB mondial que les décideurs se sont décidés à agir. Seule solution pour sauver l'éléphant, une prairie, les abeilles, un écosystème: leur mettre un prix! L'homme moder respecte ce qui a de la valeur, ce qui porte une étiquette, ce qui fait chauffer sa calculette.

Revenons au corail. En Egypte, voilà plus de 15 ans que les autorités ont trouvé le moyens de protéger les récifs coralliens au large de Charm-el-Cheikh, sur lequel des capitaines de bateaux de pêche avaient la méchante habitude de balancer leur ancre. A 300 dollars le m² de surface détruite en flagrant déli, les amendes ont été tellement dissuasives que les jets d'ancre intempestifs ont chuté illico. Génial non?

L'économiste qui a chiffré les barrières de corail à l'échelle planétaire a tenu compte, lui, des services que le corail rend aux poissons (qu'il héberge et nourrit), à l'homme (il protège des innondations et fait marcher le tourisme), au patrimoine (il préserve la diversité génétique). Ne reste plus qu'à fixer un prix au m² et mettre des gardes partout, et taxer tout ceux qui provoquent la mort du corail: acidification des océans, rejet d'engrais et de pesticides, pollutions, etc., ça en fait des responsable! On n'aura qu'à leur payer une "taxe corail".

Et ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Chiffrons les ruisseaux et les rivières, la beauté d'un paysage, le plancton marin (qui produit gratis de l'oxygène, comme c'est gentil!), chiffrons le silence et les coccinelles, les bouses de vache et les glaciers qui fondent, les pissenlits et les ours polaires et les marres à grenouilles, chiffrons toute la nature au lieu de nous contenter du seul pétrole et des métaux rares et des matières premières et des m² constructibles... Toutes choses tellement bien chiffrées qu'elles sont très protégées comme on sait. Chiffrons tout et nous entrerons enfin dans un monde grenello-compatible. Un vrai paradis...

Jean-Luc Porquet, rubrique Plouf, du Canard enchaîné du 09/09/09

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