Daniel_KeyesL'auteur:

Auteur américain né à Brooklyn en 1927. Daniel Keyes s’est engagé dans la marine marchande à l’âge de 17 ans avant de reprendre ses études, jusqu’à l’obtention d’un diplôme en psychologie. Après une première expérience dans l’édition (chez Marvel Stories), c’est finalement vers l’enseignement qu’il s’oriente, puisqu’il devient professeur d’anglais, de littérature américaine et d’écriture à l’Université de l’Ohio. En parallèle, Keyes s’essaie à l’écriture, en publiant en 1966 Des fleurs pour Algernon, dont le succès ne se démentira jamais : considéré comme un classique, ce livre a été traduit à ce jour dans près de trente pays, vendu à 5 millions d’exemplaires et adapté pour le grand écran, ce qui vaudra à son auteur une réputation internationale.

Avec l'appui de la notoriété qui lui avait été apportée par le livre, Daniel Keyes passa le restant de sa vie à travailler à ses recherches propres sur le thème des cyranoïdes, personnes dont les réponses, les réactions, leurs perceptions sont élaborées par des tiers de leur entourage (à l'instar de Christian dans Cyrano de Bergerac).Passionné par une affaire de personnalité multiple qui a fait la une de tous les journaux américains de la fin des années 1970, Daniel Keyes s'en est emparé pour construire un thriller psychologique absolument fascinant, résultat de mois de rencontres et d'entretiens avec tous les protagonistes de l'histoire... parmi lesquels les 24 personnalités de Billy Milligan !

algernonL'histoire:

Il s'appelle Charlie Gordon, c'est un simple d'esprit, un minable, employé aux plus basses besognes dans une usine. Algernon, elle, est une souris de laboratoire et le traitement du Pr Nemur et du Dr Strauss vient de décupler son intelligence. Les deux savants tentent alors d'appliquer leur découverte à Charlie avec l'assistance de la jeune psychologue Alice Kinnian.

C'est bientôt l'extraordinaire éveil de l'intelligence de ce cerveau demeuré. Charlie découvre avec passion un monde dont il avait toujours été exclu, et l'amour qui ne tarde pas à naître entre Alice et lui achève de le métamorphoser.

Mais un jour, les facultés supérieures de la souris Algernon déclinent. Pour Charlie commence alors le drame atroce d'un homme qui peu à peu se sent retourner à l'état de bête.

La critique: Attention chef-d'oeuvre! Découvert par hasard dans un bac de brocante perdu au milieu d'ouvrages de qualité médiocre (collection Harlequin si vous vous voulez savoir^^), le titre de ce livre m'évoquait quelque chose sans vraiment réussir à remettre le doigt dessus (multiples références à ce livre dans les "colonnes" du Cafard cosmique). Je l'ai véritablement dévoré en deux jours.

Je pré­viens tout de suite les ré­frac­taires au genre : Des fleurs pour Al­ger­non n'est pas une oeuvre de science-​fic­tion telle qu'on pour­rait s'y at­tendre. Ici, point de ter­mi­no­lo­gie in­com­pré­hen­sible, de concepts hau­te­ment tech­no­lo­giques ou de des­crip­tions em­por­tées d'un ailleurs plus ou moins fu­tu­riste. Si le pos­tu­lat de dé­part est bien une in­dé­ter­mi­née chi­rur­gie ex­pé­ri­men­tale et ré­vo­lu­tion­naire per­met­tant de boos­ter l'in­tel­li­gence, le contexte gé­né­ral re­pré­sen­té par Keyes est tout à fait or­di­naire. Les per­son­nages mo­destes évo­luent dans une époque proche de celle qui a donné nais­sance au livre. Le roman part ex­plo­rer les méandres de l'in­tel­li­gence, le la­by­rinthe des émo­tions, et les liens pro­fonds de ces deux cir­cuits qui, fer­més l'un à l'autre, n'ont fi­na­le­ment au­cune vi­ta­li­té. Avec Des fleurs pour Al­ger­non, Keyes va jusqu'à mettre en scène le fan­tasme et les peurs de nom­breuses per­sonnes, à sa­voir ce que nous de­vien­drions si notre in­tel­li­gence ve­nait à être al­té­rée en mieux... ou en pire.

Toute l'ex­pé­rience se dé­roule à la pre­mière per­sonne, sous la forme de comptes-​ren­dus ré­di­gés par Char­lie Gor­don et cen­sés être étu­diés par une ri­bam­belle de scien­ti­fiques. Cette es­pèce de jour­nal de bord de­meure un choix nar­ra­to­lo­gique re­mar­quable. Non seule­ment il per­met d'être plus ré­cep­tif au tem­pé­ra­ment de Char­lie, fa­vo­ri­sant l'iden­ti­fi­ca­tion au per­son­nage, mais en plus, la forme épouse su­per­be­ment le fond. Son à-​pro­pos ins­truit le lec­teur sur son état d'avan­ce­ment in­tel­lec­tuel et cela dès la pre­mière page du livre. Avant le trai­te­ment ex­pé­ri­men­tal, les phrases de Char­lie sont mal­adroites, rem­plies de fautes d'or­tho­graphe. Une fois passé entre les doigts des chi­rur­giens, ses comptes-​ren­dus vont ra­pi­de­ment s'étof­fer. Il struc­ture son té­moi­gnage, dé­couvre les joies de la ponc­tua­tion (joli mo­ment d'hu­mour), af­fûte son vo­ca­bu­laire et sa syn­taxe, prend conscience de ses er­reurs. Il ira jusqu'à ex­pri­mer sa honte face à ses pre­miers écrits à tra­vers les­quels il ne se re­con­naît plus. Heu­reu­se­ment, la nar­ra­tion de Char­lie ne se perd ja­mais dans le style pé­dant de l'éru­dit su­prême. Même à l'apo­gée de son es­ca­lade in­tel­lec­tuelle, ses écrits res­tent le plus clair et simple pos­sible, ce qui en­traîne une lec­ture fluide et ra­pide sur l'en­semble du roman.

Un des plus poi­gnants et grands clas­siques de science-​fic­tion. A lire absolument!