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Le Capharnaüm Éclairé
22 décembre 2008

Dimanche pleurera

Travail_DimanchePourquoi cette obsession de Sarkozy (qui divise ses troupes, d'où la récente reculade), faire travailler les Français le dimanche? Quel est l'enjeu au fond? La réponse porte un nom: Wal-Mart.

En 1962, le dénommé Sam Walton ouvre une épicerie au fin fond de l'Arkansas. Aujourd'hui, son épicerie (devenue une chaîne de supermarchés) est la plus grosse boîte privée du monde. Elle laisse loin derrière elle tous ceux qui occupent le devant de la scène américaine, McDo, Nike, Coca-Cola, etc. Son chiffre d'affaire (378 milliards de dollars) est sept fois plus élevé que celui de Microsoft; avec pas moins de 2 millions de salariés, elle est le plus gros employeur privé de la planète; elle compte plus de 4000 magasins aux États-Unis et plus de 3000 à l'étranger. Le secret de la réussite? Simple: ses supermarchés offrent les prix les plus bas d'Amérique, inférieurs d'environ 15% à ceux de la concurrence. Comment? Un, en s'approvisionnant à l'étranger, là où les salaires sont les plus bas, quitte à casser le tissu industriel du pays: c'est ainsi que 80% des produits vendus chez Wal Mart viennent de Chine. Deux, en utilisant au maximum les nouvelles technologies: informatique pour tracer les clients et savoir à la seconde près quelle caissière scanne quel produit, satellites pour maîtriser les flux de conteneurs circulant à travers le monde, etc. Trois, en pressurant les salariés, pardon, les "associés", de toutes les manières possibles. Emplois massivement partiels (rendant souvent nécessaire un second job). Salaires aussi écrasés que les prix. Couverture santé minimale. Syndicats interdits d'entrée. Et, surtout, flexibilité à outrance. Les magasins étant ouverts 24h/24h et 7 jours sur 7, les "associés" sont fermement invités à avoir l'échine souple. Accepter de travailler un week-end complet ou au moins un jour chaque semaine. Accepter d'être enfermé à clef dans l'entreprise en dehors des heures d'ouverture. "Oublier" de prendre son 1/4 heure de pause, "oublier" de pointer, "oublier" de faire noter ses heures supplémentaires, etc. Ainsi pressurés, les "associés" jettent souvent l'éponge au bout d'un an ou deux. Du coup, Wal Mart a le turnover le plus élevé de l'économie américaine, ce qui lui permet de grappiller gros sur les quelques avantages (santé, vacances, bonus, retraite) qui augmentent avec l'ancienneté. Et d'embaucher de nouveaux "associés" dociles.

Comme le résument les auteurs d'un livre très instructif sur le sujet: "Henry Ford payait bien ses salariés pour qu'ils puissent s'acheter ses voitures, Wal Mart paie mal les siens pour qu'ils soient obligés d'acheter ses produits"(1). Et même si le krach a fait récemment fléchir ses bénéfices, l'épicier géant reste une des affaires les plus fleurissantes du monde.

Résumons. Des salariés à temps partiel, mal payés et n'ayant pas les moyens de la ramener. Des prix écrasés, ce qui permet au gouvernement de triompher voyez-comme-votre-pouvoir-d'achat-se-maintient. Voilà le modèle dont rêve celui nous avait promis d'être "le président du pouvoir d'achat". Le travail du dimanche ne devait être qu'un premier pas. Le reste devrait suivre...

(1)"Travailler plus pour gagner moins, la menace Wal-Mart", par Gilles Biassette et Lysiane J. Baudu (Buchet Chastel), 250p., 22 euros.

Jean-Luc Porquet, rubrique Plouf du canard enchaîné n°4599

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