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Le Capharnaüm Éclairé
7 octobre 2008

Campagne présidentielle américaine et droits de l'Homme

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Depuis le 11 septembre 2001, l'organisation américaine de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) s'est illustrée par ses enquêtes sur les dérives de la "guerre contre le terrorisme" menée par l'administration Bush. Alors que les Américains s'apprêtent à élire, le 4 novembre, leur nouveau président, le directeur de l'organisation, Kenneth Roth, de passage à Paris, dresse pour Le Monde le bilan de la présidence Bush et évoque les défis qui attendent son successeur.

Qu'attend Human Rights Watch du prochain président des Etats-Unis ?

Le plus important sera que le nouveau président restaure la réputation des Etats-Unis dans le monde. Les Etats-Unis devraient être l'une des principales voix pour la défense des droits de l'homme. Or, sous la présidence de George Bush, ils ont perdu toute crédibilité. Le défi pour le nouveau président sera de mettre les Etats-Unis en conformité avec le droit international.

Le premier défi concerne la torture. L'armée américaine a adopté de bonnes règles concernant la détention et l'interrogatoire de prisonniers, mais George Bush refuse que ces règles s'appliquent à la CIA. Le prochain président devra s'assurer que la CIA ne pratique pas la torture. Le second défi concerne les lieux secrets de détention. M. Bush dit les avoir temporairement fermés. Le prochain président devra s'assurer de leur fermeture définitive. Le troisième défi concerne la prison de Guantanamo et la justice d'exception. Barack Obama et John McCain affirment vouloir fermer Guantanamo. HRW croit que les prisonniers doivent soit être rapatriés dans leur pays d'origine soit être jugés par des tribunaux américains ordinaires. Mais certains, aux Etats-Unis, veulent maintenir Guantanamo et les détentions sans procès. Le nouveau président devra résister à cette pression conservatrice.

Par ailleurs, Barack Obama et John McCain croient tous les deux que les Etats-Unis doivent jouer un rôle important dans la promotion des droits de l'homme et de la démocratie dans le monde. Le défi, pour eux, sera de mettre fin à la tolérance de l'administration Bush envers certains partenaires simplement parce qu'ils aident à combattre le terrorisme, notamment l'Ethiopie, l'Egypte, le Pakistan…

Quelle devrait être la première décision du prochain président américain ?

La décision la plus importante, qui peut être prise au premier jour de la présidence, serait d'imposer les règles de l'armée sur les prisonniers et les interrogatoires à la CIA, et de fermer Guantanamo. Ce sont des décisions qui dépendent de l'exécutif, qui peuvent intervenir le 21janvier (au lendemain de la prise de fonctions du président élu).

En quoi diffèrent Barack Obama et John McCain sur ces questions ?

John McCain a été notre allié lors des débats sur la torture, mais il s'est opposé à nous, contrairement à Barack Obama, sur la question de l'application des règles de l'armée à la CIA. Sur Guantanamo, aucun candidat n'a encore évoqué le problème de la détention préventive.

Quelle est votre opinion sur les guerres américaines lancées après le 11 Septembre, en Afghanistan puis en Irak ?

Human Rights Watch n'a pas de position sur le fait de mener une guerre : nous ne sommes pas des pacifistes. En revanche nous regardons comment une guerre est menée : en Afghanistan, par exemple, les pertes civiles causées par les bombardements américains. Des civils meurent dans toutes les guerres, mais les Etats-Unis et l'OTAN pourraient réduire les pertes. Il existe des moyens de s'assurer qu'il n'y a pas de civils sur les lieux bombardés.

Vous appelez les Etats-Unis à ratifier le traité sur la Cour pénale internationale (CPI). Est-ce possible tant qu'il y a la guerre en Afghanistan et en Irak où des soldats américains commettent des violations du droit humanitaire international ?

La Cour pénale internationale n'intervient pas si les processus judiciaires nationaux fonctionnent. Les Etats-Unis peuvent donc juger leur propres criminels de guerre. Parce que M.Bush a mené une politique d'impunité des tortionnaires, il n'existe aucune confiance dans le système judiciaire américain. Si le prochain président poursuit les auteurs de violations du droit, les Etats-Unis n'auront rien à craindre de la CPI. Les violations des droits de l'homme ont été un désastre pour la guerre contre Al-Qaida. George Bush a fait exactement ce que Ben Laden espérait qu'il fasse. La stratégie américaine a rendu illégitime la position des Etats-Unis dans le monde, et a facilité le recrutement de terroristes.

HRW appelle à traduire en justice des responsables américains et à établir une commission "Vérité"...

Ceux qui ont autorisé la torture doivent être traduits en justice, sans exception. La première étape serait l'établissement d'une commission "Vérité" bipartisane, afin de savoir qui a autorisé l'usage de la torture. Nous craignons qu'Obama et McCain considèrent ces sujets comme des événements du passé. Ce ne sera pas une bataille politique facile.

Le système judiciaire international est beaucoup plus fort qu'il y a dix ans. Les dictateurs qui commettent des atrocités sont inquiets pour leur avenir. Slobodan Milosevic, Charles Taylor, Hissène Habré, Radovan Karadzic et d'autres ont été inculpés. La mauvaise nouvelle, cela a été d'un côté le développement du terrorisme, l'assassinat de civils, et de l'autre côté la guerre contre le terrorisme, menée par l'administration Bush sans considération pour les droits de l'homme.

Propos recueillis par Rémy Ourdan pour le Monde.fr du 07/10/2008

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